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VOYAGE

émeus ; mais, craignant de s’aventurer trop loin, ils se contentèrent de tuer quelques opossums, de remplir un sac de feuilles de thé australien, récolte qui leur avait été expressément recommandée par Jenny ; ils firent ensuite provision de la plante à sel, qui avait poussé en grande quantité après la pluie. Arthur voulait faire une expérience et s’assurer d’un fait qu’il avait trouvé décrit dans un livre.

« Juste ciel ! monsieur Arthur, dit Wilkins, nous avons fait là un mauvais coup ; car, sans y avoir songé, nous allons laisser ici trace de notre passage voilà nos pieds imprimés dans la boue du marécage. Nous aurions aussi bien fait de placer ici une enseigne pour indiquer aux noirs l’endroit où ils doivent se couler pour nous trouver là-haut. »

Arthur éprouva un grand déplaisir d’avoir commis une pareille imprudence. Mais il n’y avait plus rien à faire, sinon de former une confusion de pas, deci, delà, dans différentes directions ; c’est ce que l’on fit en se dirigeant de l’autre côté du bois, afin de ne pas indiquer l’endroit « faible », c’est-à-dire le passage.

« Allez, monsieur Arthur, observa Wilkins, si Black Peter devine que nous sommes cachés de l’autre côté du bois, il ne lui sera pas difficile de s’ouvrir ou de se faire ouvrir un passage. Je n’espère qu’une seule chose, c’est que les moricauds qui accompagnent mon gredin d’ex-compagnon de chaîne ont encore et continueront à avoir peur de cette forêt sombre. Je leur ai entendu parler des méchants esprits qui hantaient ce « buisson ». Par malheur, Black Peter s’est fourré dans la tête le désir de s’emparer de nos armes, de nos munitions et de notre argent, et il n’abandonnera pas facilement ses projets. J’ai bien fait de lui « chiper » le fusil qu’il avait volé à M. Hugues, n’est-ce pas ? »

Tout en marchant pour contourner la forêt sombre, Arthur se sentit alarmé en voyant de la fumée s’élever au-dessus du bois où se trouvait la grotte des sauvages. Il entendit également ces appels répétés qui annonçaient la présence de l’ennemi, peut-être son espionnage, et il regretta amèrement d’avoir quitté le campement.

Tous les chasseurs se hâtèrent de rentrer dans la caverne du volcan, et il fut résolu que l’on ferait bonne garde, de façon à ne pas être surpris.

Ils trouvèrent à leur retour Jack, qui terminait une sorte de four dans le foyer de la cuisine de Jenny Wilson. Celle-ci y fit cuire des galettes de farine d’avoine, et un pâté de pigeons préparé dans une grande écaille de tortue et couvert de pommes de terre nouvelles.

Aucun de ceux qui faisaient partie de cette petite troupe ne trouvait la viande de l’opossum de son goût. Jenny déclarait qu’elle préférerait manger du singe ; Ruth n’osait même pas toucher à cet animal avant qu’on l’eût fait cuire ; quant à Max Mayburn, tout en déclarant que la chair devait en être bonne, puisque la bête ne se nourrissait que de racines et de plantes, il ne se refusait pas moins à avaler une bouchée d’un rôti d’opossum.

« Toutefois, disait le vieillard, je suis loin de confondre cet animal avec celui des États-Unis, auquel il ne ressemble que par sa conformation et sa gentillesse. À mon avis, c’est une sorte d’écureuil, et si vous examinez la membrane que l’opossum australien peut étendre à volonté pour s’accrocher