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VOYAGE

de feu frappa un de ces noirs, et l’autre ne crut pas devoir attendre une seconde décharge.

« Allons, monsieur Arthur, dit Wilkins, avançons : les sauvages nous épient, et je ne suis pas d’avis de nous diriger droit sur l’ouverture de notre forteresse. Les coquins ont de très bons yeux. Essayons de les tromper. »

Le convict avait raison, et, quoique la route qu’ils suivirent fût la plus longue, ils ne songèrent à pénétrer dans la forêt que quand ils se trouvèrent hors de la vue des indigènes ; mais ils eurent soin de fermer l’entrée qu’ils se firent avec la plus grande précaution.

Le pauvre prisonnier délivré fut ensuite conduit à la grotte, où on le reçut avec des manifestations de joie. On le fit changer de vêtements on lui offrit un excellent repas, composé d’un faisan, de galette d’avoine et d’excellent thé préparé par Jenny Wilson et quand il eut fini de manger, ses amis s’assirent autour de lui pour écouter son histoire

« Dieu soit loué ! s’écria-t-il, je suis hors des griffes de ces païens. Ils m’ont gardé pieds et poings liés, parce que je n’ai pas voulu promettre par serment de devenir comme eux un bandit des bois ; parce que j’ai refusé de les guider pour vous massacrer tous, vous qui m’avez aimé et nourri depuis notre naufrage du Golden-Fairy. Ce chien de Black Peter m’a accablé de coups dès qu’il m’a vu enchaîné : il m’aurait volontiers poignardé s’il n’avait conçu et entretenu l’espérance de m’entraîner à sa suite. Il redoutait pourtant les noirs, qui auraient pu lui faire un mauvais parti, car ils n’entretenaient point de méchants desseins contre moi. Le maudit donna donc des ordres pour qu’on me privât de nourriture, et, bien sûr, je serais déjà mort de faim et de soif si les femmes n’avaient eu pitié de moi, et ce sont elles qui m’ont offert quelques bouchées de viande et quelques coupes d’eau. J’aurais certainement pu briser une corde de chanvre, mais les liens d’écorce dont j’étais ficelé m’étreignaient comme s’ils avaient été des chaînes d’acier.

« Je réfléchissais dans ma prison souterraine, et, me rappelant les bonnes paroles que vous m’aviez dites, monsieur Max Mayburn, je passais en revue ma vie entière, je songeais à Dieu, qui me jugerait un jour si bien que je me mis à réfléchir sérieusement, et que je faisais serment, dans le cas où je recouvrerais ma liberté, de ne jamais prononcer de blasphème, de ne pas mentir et de faire ma prière chaque jour. Après avoir pris ces bonnes résolutions, je sentis la force me revenir, et je me laissai aller à l’espérance, car je pressentais que vous viendriez à mon secours. Je fus très étonné en voyant cette bonne Baldabella, quoique je ne comprisse pas ce qu’elle faisait au milieu des autres femmes. Je la regardai et je devinai ce qui se passait. C’est alors que je lui dis à voix basse :

« Prends ton couteau et coupe les cordes ! » Ce qu’elle fit à l’instant. Mais, hélas ! je m’aperçus qu’il m’était impossible de remuer mes bras et mes jambes pour le moment. Cependant quelques minutes suffirent pour sentir mes forces revenir. Baldabella s’était jetés sur les deux femmes, et de ses deux mains les empêchait de crier. Moi je me dressai d’une pièce, et, m’emparant du fusil, inutile pour Black Peter, qui n’a plus de munitions, je suivis Baldabella, qui m’aida à fuir et à arriver près de mes amis. Vous