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AU PAYS DES KANGAROUS

« Je résolus, continua Jack, de voir moi-même ce que c’était que la « bonbonnière » en question, et quand les noirs furent partis, je les suivis à la piste jusqu’à une clairière qu’ils avaient pratiquée dans le bois, en coupant et en brûlant les arbres, dont les troncs noircis couvraient le sol. Vers le côté droit se dressait un énorme rocher dans lequel se trouvait une grotte naturelle où Wilkins fut entraîné. Il disparut, mais je ne pense pas que les noirs veuillent lui faire le moindre mal, car Black Peter peut avoir besoin de son aide. Notre pauvre Wilkins est un rusé compère et je suis certain qu’il cherchera à s’échapper par tous les moyens possibles. Ne croyez-vous pas, monsieur Arthur, que nous devons trouver un biais pour le tirer des griffes de ces coquins-là ?

— C’est mon avis, répondit l’aîné des Mayburn mais avant de rien entreprendre, il faut tenir conseil. Si nous quittons notre forteresse, nous le ferons avec la plus grande prudence. »

Lorsque la famille Mayburn apprit les événements, chacun pleura sur le sort du pauvre convict ; car malgré le passé fâcheux de cet homme, quoique ses passions ne fussent pas encore domptées il était aimé de tous pour son bon naturel et son attachement à ceux qui l’avaient recueilli.

Max Mayburn consentit donc à laisser ses enfants et les autres tenter une expédition dans le but de délivrer le prisonnier, si celui-ci n’était pas de retour dans les vingt-quatre heures.

Plusieurs jours s’écoulèrent, et la pluie tombait toujours, ce qui empêchait les jeunes gens de s’éloigner pour tirer Wilkins des mains de leurs ennemis. En outre, toutes les provisions étaient épuisées, sauf l’avoine et quelques œufs pondus par les poules de Ruth. À cette nourriture légère et peu substantielle les voyageurs ajoutaient des fruits d’un arbre gigantesque qui s’élevait dans le fourré, au bas de la colline, et qui s’offraient à eux sous la forme de gousses contenant des amandes assez grosses. Ces fruits, tout à fait mûrs, avaient le goût de noisettes et formaient une addition au repas quotidien.

Pendant tout ce qui s’était passé, l’aigle blessé était guéri et servait d’études aux prisonniers de la pluie. L’instinct féroce de l’oiseau semblait défier toute conciliation avec la domestication ; il ne s’amendait que lorsque Arthur ou quelque autre lui apportait de la nourriture : particulièrement les entrailles des animaux que l’on réservait pour ses repas.

Eu égard à la sauvagerie du roi des airs, Marguerite ayant pitié de la femelle, qui ne cessait de rôder autour de la grotte, demanda qu’on rendit la liberté à l’oiseau guéri, quoique Gérald fût d’avis que l’autre aigle s’était déjà choisi un autre maître. Un matin, profitant de la cessation de la pluie, on coupa la corde qui entravait une des pattes du prisonnier, et on découvrit l’ouverture de la crevasse pour que la lumière pénétrât dans l’intérieur de la grotte. À la vue du soleil, une sensation fit frémir les plumes de l’aigle, qui étendit les ailes, s’éleva jusqu’à la hauteur de la crevasse, par laquelle il disparut aussitôt en fendant l’espace et en tourbillonnant au-dessus du cratère éteint. Jenny et Ruth éprouvaient la plus grande satisfaction d’être débarrassées de ce glouton insatiable.

« Cette vilaine bête aurait pu attraper une de mes deux poules, qui