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AU PAYS DES KANGAROUS

une mauvaise chasse ; loin de là, ils courbaient sous le poids de couples de faisans, de kakatoès et de dindons sauvages, aussi forts que ceux des basses-cours du Royaume-Uni.

Le repas fut excellent, et l’aigle, affamé et à moitié dompté, eut une large part de cette provende.

Pendant que les voyageurs se rassasiaient, l’orage éclata ; les coups de tonnerre retentissants trouvaient un écho immédiat dans la montagne, et l’on eut dit que les rochers tremblaient à leur base. Ruth poussait des cris et regardait autour d’elle avec terreur, comme si on eût du s’attendre à l’éruption d’un volcan. L’aigle lui-même semblait redouter cette voix bruyante du ciel.

La pluie tombait par torrents, et retombait à l’intérieur de la grotte à travers le feuillage qui croissait dans les crevasses ; si bien que les naufragés du Golden-Fairy se virent forcés de se retirer sous la partie obscure de l’excavation naturelle, bien heureux encore d’avoir trouvé cet asile qui les mettait à couvert.

« Je ne vois pas qu’il soit utile de rester dans l’obscurité, observa Hugues. Allons Gérald allumons des « flambeaux » et fixons-les contre les parois de la grotte. Grâce à ces guirlandes vertes qui sont suspendues aux rochers, nous pourrons nous croire dans une salle de bal. »

En effet la grotte brilla bientôt comme les deux jeunes gens l’avaient dit et Max Mayburn put examiner à loisir un des oiseaux qui avaient été rapportés, celui qui ressemblait aux dindons anglais.

« C’est ce que les naturalistes ont nommé le watled telegalla, fit-il, le représentant du genre en Australie un très bel oiseau vraiment.

— Et un excellent rôti, » ajouta Marguerite.

Pour occuper leurs loisirs pendant que la pluie faisait rage, les jeunes gens vannèrent l’avoine et enfermèrent le grain dans des sacs, réservant la paille pour servir de litière en guise de matelas, un vrai luxe pour les pauvres voyageurs, qui, depuis leur naufrage, ne couchaient plus que sur la terre dure.

Marguerite s’occupait de Baldabella et de Nakina, à qui elle enseignait à parler anglais, tout en leur montrant les choses de la civilisation et en leur apprenant ce que c’était que Dieu.

Wilkins, qui n’aimait pas à rester les bras croisés, donnait volontiers un coup de main à Jenny et à Ruth ; il disposa la cheminée, devant laquelle il appliqua un foyer de pierre ; puis il pluma les pièces de gibier, et enfin prépara une niche grillagée pour y déposer les poules en liberté. La pluie ne lui faisait pas peur, et il s’en allait chercher de l’eau quand on en avait besoin.

Trois jours se passèrent ainsi dans une réclusion complète ; car l’orage n’avait pas cessé un instant. Aussi les prisonniers commençaient-ils à s’ennuyer et à désirer de pouvoir remonter sur la terre. Ils s’en allèrent donc aux provisions, en priant Jenny Wilson de leur préparer des vêtements secs pour le retour de leur expédition. Les trois amis, suivis de Jack et de Wilkins, tous armés d’arcs et de flèches, et portant des sacs, s’aventurèrent hors de la grotte sans plus s’inquiéter de la pluie.