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VOYAGE

bois dont nous fermerons le passage, afin de ne laisser ici aucune trace de notre présence.

— Je me plairais fort en ces lieux, ajouta le vieux Mayburn, car il me serait facile de m’adonner à l’étude de l’histoire naturelle sous ces arbres qui me sont inconnus.

— Et moi j’aimerai à vivre abritée par une cabane, continua Marguerite, quelque mal que l’on y soit ; mais du moins nous nous reposerons sans appréhension, nous pourrons rapiécer nos habits usés et nous fabriquer des chaussures, dont nous avons le plus grand besoin. Je crains toutefois que la vie ne soit fort triste sous ces abris ensevelis dans une sorte de nuit perpétuelle.

— Bah ! nous nous construirons un nid au milieu des arbres, observa Gérald, comme cela se passe dans le roman du Robinson suisse, et nous y vivrons parmi les perroquets et les kakatoès. Tenez, voici justement un figuier qui ressemble probablement à celui où demeura la famille suisse mais je ne me trompe pas l’arbre est couvert de figues ; elles sont mûres et excellentes à manger, fit-il en en croquant une qui se trouvait à sa portée.

– Patience ! mon ami, répliqua Arthur, nous retrouverons ce figuier ; mais songeons au plus pressé. Hâtons-nous de nous frayer un passage sous bois ; car, à la chaleur accablante et à un bruit lointain qui ressemble fort à celui du tonnerre, je suis porté à croire que nous sommes menacés d’un violent orage. Il nous faut donc construire un abri dans le plus bref délai possible. »

L’endroit de la forêt sombre devant lequel se trouvait la petite caravane, quoique impénétrable, était moins encombré de ronces et de lianes que ceux devant lesquels les voyageurs avaient passé ; les jeunes gens se mirent donc à l’œuvre, et ouvrirent une issue de quatre pieds de haut et de deux pieds de large, suffisante pour le passage d’une seule personne. Ils eurent soin de faire de petits fagots avec les branches abattues, afin de les transporter à l’intérieur du bois lorsque le passage serait terminé mais leur travail allait fort lentement, car les arbres étaient très serrés, et ils furent heureux de rencontrer un endroit où régnait une éclaircie. Ils réussirent ainsi à frayer un boyau pour y introduire les femmes et les bagages.

La clairière au milieu de laquelle ils se trouvaient était composée d’une prairie émaillée de fleurs peintes de ces couleurs éclatantes particulières à la flore des régions tropicales. Un peu plus loin s’élevait une colline couverte d’avoines sauvages, protégées par des buissons épineux qui grimpaient le long des flancs d’un rocher isolé dont la cime semblait être aplatie.

Les jeunes gens déclarèrent que ce séjour était enchanteur et enchanté ; car, pour y parvenir, il fallait gravir facilement des sortes de gradins terrassés et couverts d’arbres, de gazons et de fleurs. Si essoufflés qu’ils fussent pour arriver au sommet du rocher, ils y parvinrent, et, à leur grand étonnement, aperçurent devant eux l’entonnoir d’un cratère éteint couvert de verdure.

« C’est ici, déclara Hugues, qu’il nous faut élever une cabane pour nous abriter tous. Marguerite ne se plaindra pas de la tristesse du lieu ; car, du haut de cette plate-forme, on peut voir tout le pays, et l’on se trouve à l’abri