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VOYAGE

fiance en Dieu, qui devait leur procurer cette douceur. Les deux œufs d’émeu avaient été vidés avec soin par Jack, qui les emmaillota de cordelettes de sparterie, pour les rendre plus transportables lorsqu’ils seraient remplis d’eau.

Le lendemain matin, la caravane repartit très fatiguée et souffrant de la soif. Après deux heures de marche, quelle ne fut pas la joie des voyageurs en apercevant devant eux une longue rangée d’arbres qui s’élevaient le long du lit d’un torrent ! Hélas ! le lit était à sec, et il leur fallut s’avancer encore fort longtemps dans ce fossé rempli de boue desséchée avant de trouver un creux rempli d’eau, où ils se désaltérèrent à loisir, et dans lequel ils remplirent leurs récipients.

Les pionniers égarés sur ce vaste continent australien continuèrent à marcher, en franchissant de temps à autre de nombreux torrents desséchés qui devaient être des rivières à l’époque de la saison des pluies. Cette pensée d’inondation subite dans un pays où l’on vivait à ciel ouvert remplissait leur cœur des plus vives appréhensions ; car, avec les pluies, il leur serait impossible d’avancer pour atteindre le but ardemment convoité.

Pendant deux jours, les voyageurs se nourrirent de la chair de l’émeu et se désaltérèrent avec l’eau des ravins. Ils étaient ainsi parvenus à la base d’une chaîne de montagnes basses où le courant d’eau prenait sa source. Ce fut à coups de couteaux et de haches que les jeunes gens frayèrent un chemin à toute la troupe, lequel chemin aboutissait à une plaine plus fertile et plus verdoyante que celle qu’ils avaient déjà parcourue.

En ce moment-là, quelle ne fut pas leur épouvante en voyant, à une très petite distance, une troupe de sauvages réunis autour d’un feu allumé, et occupés à fabriquer des arcs et des flèches dont ils appointaient les extrémités sur les charbons !

Avec eux se trouvaient deux femmes noires, écrasant du grain ou des noix entre deux pierres. Ces femmes étaient revêtues de peaux d’opossum ; mais les hommes paraissaient presque nus, et leur corps était sillonné d’horribles cicatrices.

Quoique les sauvages eussent vu les étrangers s’avancer vers eux, — les premiers visages blancs qu’ils voyaient peut-être, – ils ne se dérangèrent en aucune façon, et continuèrent leurs travaux sans paraître s’apercevoir de leur présence.

Arthur recommanda à tout le monde de continuer à marcher sans faire la moindre attention aux sauvages, et surtout sans avoir peur d’eux.

On arriva ainsi à dix pas des naturels ; mais alors Nakina, attirée par la vue d’un enfant du même âge qu’elle et jouant avec sa mère, s’élança à sa rencontre.

Le plus grand des sauvages la prit aussitôt dans ses bras. À ce moment, Baldabella, qui cherchait à retenir sa fillette, fut saisie par deux indigènes qui l’empêchèrent d’accomplir son dessein. La malheureuse se mit alors à crier à l’aide en demandant secours à ses amis les blancs.

Arthur, très contrarié de cet incident, redoutait que ce ne fût là le prélude d’une querelle. Toutefois il ne voulait pas abandonner Baldabella, qui se refusait évidemment à retourner à la vie sauvage. Il somma donc Wilkins