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AU PAYS DES KANGAROUS

Tout en causant ainsi, les voyageurs avançaient avec précaution, Arthur gardant le poste d’éclaireur, lorsqu’il héla son frère et Gérald en leur disant qu’il venait de rencontrer un tunnel et qu’il fallait aller le visiter. L’entrée de cette ouverture à travers la montagne était très vaste, et semblait être celle d’une immense grotte. Arthur fut d’avis que son père et les autres fissent halte en cet endroit, tandis que Hugues, Gérald et lui, iraient à la découverte.

Ils allumèrent alors des torches fabriquées avec des branches de bois résineux et pénétrèrent dans le souterrain, avec la satisfaction de savoir que leurs parents et amis étaient en sûreté.

Les trois jeunes gens descendirent dans ce tunnel graduellement, en rencontrant tantôt des passages bas et étroits, tantôt des voûtes élevées et des murailles distancées l’une de l’autre ; le sol était seulement couvert de débris de roches.

Quoi qu’il en fût, la passe était aérée, et ils marchèrent en avant pendant un mille environ. Cependant, à la fin, ils perdaient déjà courage, lorsqu’ils virent devant eux une ouverture à travers laquelle la lumière paraissait.

Il y avait là un rideau de lianes retombant sur d’épais buissons, à travers lesquels ils se creusèrent un chemin. Ils aperçurent alors l’immensité du ciel au-dessus d’une masse de rochers ; mais ces montagnes étaient moins élevées et bien moins abruptes que celles qu’ils venaient de parcourir.

« Il me paraît opportun, dit Hugues d’aller quérir tout notre monde pour l’amener ici, où nous serons bien plus en sûreté que de l’autre côté.

— Avant d’en rien faire, laissez-moi examiner l’horizon, dit Arthur, qui se hissa sur le sommet d’une haute roche en se cramponnant des mains, en se soulevant des pieds.

— Nous serons très bien ici s’écria-t-il. Je remarque de grandes plaines là-bas ; seulement la descente sera difficile, et Jack aura à nous fabriquer encore un escalier de sa façon. »

Les trois jeunes gens se hâtèrent de rejoindre leurs parents et amis, qu’ils trouvèrent en grande conversation. Les cris des sauvages s’étaient rapprochés, et on les croyait si près, que Marguerite avait prié Wilkins et Jack de fermer l’ouverture à l’aide de grosses roches.

Les sauvages s’étaient alors avancés davantage, et on devinait qu’ils se trouvaient à quelques pas.

Baldabella, qui pouvait déjà balbutier quelques mots de la langue anglaise, disait à mi-voix :

« Un grand nombre de visages noirs ! très méchants tous… Un blanc est avec eux !… Noirs venir à petits pas !… Noirs prendre nous, manger maître… Manger mademoiselle, manger moi, manger Nakina… Tous, tous dévorés ! »

Ce fut avec la plus grande difficulté que l’on parvint à empêcher Ruth de crier et de pleurer à chaudes larmes, lorsqu’elle apprit qu’il était question d’être mangée. Quoique Max Mayburn ne voulût pas croire à l’existence du cannibalisme en Australie, Wilkins et Jack réussirent à convaincre tous les autres, afin qu’ils profitassent de la découverte des trois explorateurs pour s’éloigner immédiatement et ne pas être aperçus par les indigènes.