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VOYAGE

les naturels nomment « l’orgue ailé », à cause des sons qu’il module dans les airs ; et enfin « l’oiseau moqueur », qui semble rire de tout ce qui se passe autour de lui.

« Cher père, demanda Hugues, n’est-ce pas cet oiseau que l’on appelle l’âne rieur ? N’entendez-vous pas ces notes aiguës : Ha ! ha ! ha ! Il a réveillé tous les kakatoès et tous les perroquets du voisinage, ce qui produit une étrange cacophonie.

— Écoute, Hugues, ajouta Gérald, la trompette du moqueur : quel bruit ! quel vacarme ! on se croirait à une foire de campagne. Voilà Ruth qui a peur.

— On s’imaginerait réellement, monsieur O’Brien, assister à une assemblée de démons, fit la jeune fille.

— En effet, ne voit-on pas des singes à plumes, des polichinelles qui volent, des oiseaux moqueurs reproduisant des voix qu’ils n’ont jamais entendues ? observa Hugues. Regardez, mon père, ce nouvel oiseau possesseur d’un gros bec.

— Je l’ai déjà remarqué, répliqua celui-ci. Les naturalistes, je crois, l’ont classé parmi les alcyons, et c’est le dacelo gigantea dont les mœurs et la voix sont pareilles à celles du geai. N’est-il pas étrange de voir ce plumage simple et uniforme, au milieu de tous ces autres vêtements empennés de couleurs éclatantes ? Remarquez, mes amis, que le dacelo se plaît dans les branches de l’arbre à gomme, dont les feuilles sombres lui offrent un abri et une cachette. Combien je regrette de ne pouvoir faire en ce moment une collection de tous ces oiseaux ! Hélas ! il est impossible de rien ajouter à nos bagages.

— Attendez, monsieur Mayburn, dit Gérald, que nous ayons pu nous emparer de quelques quaggas. Jack nous fabriquera une charrette que nous pourrons convertir en ménagerie remplie de toutes sortes d’animaux, et que traîneront nos quadrupèdes.

– Tu oublies, mon cher O’Brien, que les quaggas ne sont pas originaires de l’Australie, observa Max Mayburn, et qu’en fait de bêtes de trait nous n’aurions d’espérances à concevoir que quant aux chevaux de nos amis Deverell. Hélas quelle distance ne nous reste-t-il pas à franchir pour arriver jusqu’à eux, si nous y parvenons jamais ! »

Marguerite soupira en entendant ces paroles.

« Cher père, dit-elle, je voudrais bien remonter le long de vastes plaines au milieu desquelles nous avancerions sans difficultés. Rien n’est plus beau, j’en conviens, que ce pays sauvage, ces montagnes escarpées ; mais je préférerais une nature moins excentrique et plus calme. Si nous avions tenu un journal exact de toutes nos aventures, de toutes nos découvertes, on n’eût pas voulu croire à ces récits, qui eussent paru fantastiques.

— Et pourtant, répondit le vieillard, ces féeries de la terre australienne sont des réalités.

— Retournons-y, cher père, fit Arthur, continuons notre route, ne fût-ce que pour échapper aux coo-ee des natifs que j’ai encore entendus, quoique très éloignés de nous. Ne tremblez pas, nous n’avons rien à craindre des noirs. »