Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
VOYAGE

Jack proposa de tailler les buissons en forme d’escalier, afin de faciliter le passage à ceux qui auraient peur.

Les jeunes gens ne demandaient pas mieux que de travailler et de se rendre utiles. Ils employèrent alors avec succès les haches de silex, et ils eurent bientôt ainsi taillé six marches, dont la partie sur laquelle on devait s’appuyer était dallée avec des branches coupées. De cette façon, on pouvait arriver sur la terrasse inférieure. Quand tout fut préparé, les courageux pionniers donnèrent la main aux femmes, qui arrivèrent bientôt sans encombre sur la roche plate.

C’était là un grand point de gagné, et les voyageurs purent alors voir au-dessous d’eux le lit bourbeux du torrent. Pour y parvenir, la déclivité était peu sensible, et, au moyen des haches, on fraya encore un passage à toute la troupe, qui mit enfin les pieds sur le sol ardemment désiré.

L’aspect des grandes palissades de pierres qui s’élevaient des deux côtés dans ce ravin profond était vraiment lugubre ; aussi Gérald crut-il devoir adresser une plaisanterie à Marguerite pour détourner ses pensées.

« Il ne manque plus maintenant, dit-il, qu’une forte pluie pour que nous nous trouvions dans la même position que l’homme avant le déluge.

– Ne riez pas des livres sacrés, mon enfant, observa Max Mayburn. Remarquez, mon cher Arthur, ajouta-t-il en s’adressant à son fils, que nous sommes à l’époque des pluies tropicales.

— Je ne crois pas, mon père, répliqua celui-ci, car les déluges de l’Australie n’ont lieu qu’en février et mars, et nous voici seulement au milieu de l’été. Toutefois les orages sont fréquents dans cette saison ; mais j’espère que nous aurons franchi ce tombeau avant que l’un d’eux éclate sur nos têtes. Nous avançons, à n’en pas douter, vers le but que nous nous proposons d’atteindre. Par bonheur, nous rencontrons sur nos pas des vivres et de l’eau en abondance, et jusqu’ici les animaux féroces me paraissent inconnus ; les hommes eux-mêmes de ce pays sont plutôt craintifs que hardis. Je ne crains donc rien autre chose que la fatigue pour vous et ma chère Marguerite.

— N’éprouve aucune appréhension à notre endroit, répliqua celle-ci à son frère. Je suis, Dieu merci, très forte, et mon père a retrouvé sa vigueur sous ce climat splendide. Regarde-le, là, près de ce creux rempli d’eau ; il admire sans doute quelque objet inconnu. Voyons, cher père, qu’avez-vous découvert ?

— Une créature étrange, mes enfants : un ornithorynque, un platypus de l’espèce des animaux à bec de canard. Je reconnais cet animal, dont j’ai vu si souvent les gravures, et j’avais bien souvent désiré en contempler un en vie dans le pays où il vit en liberté.

— Est-ce un canard, Mademoiselle ? demanda Ruth avec une sorte de crainte.

– As-tu donc vu des canards possesseurs de quatre pattes, avec du poil sur le dos, le tout terminé par une queue pointue ? répliqua O’Brien.

— En effet, c’est une bête étrange que celle-ci, ajouta Max Mayburn. Les naturalistes la classent parmi les mammifères, et prétendent qu’elle est ovovivipare, c’est-à-dire qu’elle donne des œufs qui éclosent au moment où ils