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AU PAYS DES KANGAROUS

le gallus ruthianus, et écriront des volumes entiers sur cette trouvaille ornithologique. »

Hélas ! le chef de cette colonie ne devait pas coloniser aussi facilement qu’on eut pu le croire. À son chant de triomphe, un coq-faisan avait répondu par des cris de défi, et quelques secondes suffirent pour qu’il sortit du fourré et s’élançât sur l’élève de Ruth, en l’attaquant à grands coups de bec. Le courageux bantam riposta avec énergie, et le combat le plus terrible s’engagea entre les deux oiseaux, en présence des poules, qui remuaient la tête comme pour prouver qu’elles prenaient un grand intérêt à cette escarmouche.

Ruth criait et se désespérait.

« Il va être tué ! Jack, mon cher Jack, jette une pierre à ce maudit faisan, chasse-le ! Chuck, chuck ! » faisait-elle avec angoisse.

Les cris de la pauvre fille avaient bien attiré l’attention des poules, qui reconnaissaient leur maîtresse ; mais ils étaient insuffisants pour arrêter l’ire du coq, leur chef de famille, contre l’ennemi qu’il combattait. Tandis que les poules remontaient de roc en roc pour rejoindre Ruth, le combat continuait à outrance.

Enfin la victoire resta à l’oiseau anglais : le faisan dut lui céder la place et s’en retourna clopin clopant dans le fourré tandis que le héros emplumé se hissait sur une branche et célébrait sa propre gloire avec des cris dont la note aiguë faisait retentir les échos.

Tandis que Jenny aidait à Ruth à réintégrer les poules dans d’autres paniers et même dans des sacs, en attendant qu’on leur façonnât une seconde cage, le vainqueur reprit le chemin qui le rapprochait des voyageurs, et se laissa facilement emprisonner avec les femelles.

Cet incident avait retardé la marche des naufragés du Golden-Fairy, tout en les amusant beaucoup à cause de la nouveauté du spectacle. Ruth seule continua à gémir de la perte de son panier ; mais Jack la gronda alors sérieusement, car c’était sa pusillanimité qui avait occasionné tout le mal ; il ajouta que ces poules étaient un grand embarras dans un pays où le gibier et les œufs de toutes sortes abondaient à ne savoir qu’en faire ; mais quand il vit que ses remontrances arrachaient des larmes cruelles à sa pauvre sœur, il s’arrêta, et promit de fabriquer une autre cage qui serait plus facile à porter que la première, et donnerait plus d’aisance aux prisonniers.

La traversée de la « route d’Érin » dura deux journées entières, à travers mille dangers, au milieu de difficultés sans nombre ; enfin, le troisième jour, les naufragés s’aperçurent que le torrent qui coulait dans le ravin avait complètement disparu, et que le lit en était à sec. Ils résolurent donc de suivre les sinuosités de ce torrent, afin de sortir, si faire se pouvait, de cette dangereuse route à travers les rochers amoncelés.

Le quatrième jour, il leur sembla que la descente était bien plus praticable qu’elle ne l’avait paru depuis leur entrée dans la « route d’Érin ». À douze pieds au-dessous de l’endroit où ils se trouvaient, on apercevait une large pierre plate au-dessus du lit desséché du torrent. Mais la descente était à pic.