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AU PAYS DES KANGAROUS

seule, refusant toute assistance, avait grimpé avant tous les autres. Elle s’était dépouillée pour cela de tout vêtement trop flottant, et, tenant son enfant dans ses bras, était arrivée au but sans une seule égratignure se hâtant de se revêtir avant que les voyageurs eussent atteint l’endroit où elle s’assit en les attendant.

La troupe des voyageurs se reposait de ses fatigues, lorsque tout à coup Ruth poussa un cri perçant et se précipita au milieu des buissons, poursuivie par son frère, qui s’empara d’elle et la ramena de force près de Mayburn.

« Laisse-moi, Jack, s’écriait-elle, j’ai peur ; là, là je viens de voir une petite fée, bien vieille, toute ratatinée, avec une longue queue, et, cette fée grinçait des dents. »

Jack avait trop de cœur pour reculer devant une apparition fantastique, munie d’un appendice caudal ; aussi persista-t-il à retenir sa sœur, qui poussait toujours des hurlements sinistres.

En entendant la jeune fille vociférer de la sorte, les voyageurs s’avancèrent vers l’endroit désigné, et découvrirent entre deux roches « la vieille fée » sous la forme d’un lézard vraiment extraordinaire, lequel se tenait sur sa queue, la tête en l’air, et semblait défier ses ennemis.

Son corps, de la tête à l’extrémité de la queue, était long d’environ cinquante centimètres, et tout couvert d’écailles jaunâtres. Son faciès ressemblait assez à celui de la race humaine ; c’est ce qui avait effrayé Ruth, et toute autre qu’elle, aussi naïve et aussi craintive, eut pu éprouver le même sentiment de peur.

« Je reconnais le reptile, dit alors Max Mayburn c’est celui que les naturalistes, en décrivant l’Australie, ont appelé le clamydosaurus kingii, dont les joues et la poitrine sont recouvertes d’une sorte de jabot, très curieuse membrane, qui se gonfle et devient énorme lorsque l’animal se met en colère.

– En effet, cher père, dit Hugues, il paraît ne pas être enchanté de la description que tu fais de lui, car il se gonfle comme la grenouille de la fable. Faut-il l’abattre ?

— Je voudrais bien conserver cet animal pour l’empailler, répondit Max Mayburn ; mais voici Arthur qui me fait encore signe qu’il est impossible d’emporter d’autres fardeaux il est donc inutile de mettre à mort ce reptile inoffensif. »

Baldabella n’écoutait point la défense du vieillard, et dans son langage nouveau, un anglais antigrammatical, elle s’écria « Moi, manger bête ! » Au même instant elle lança au lézard un coup de bâton qui ne l’atteignit pas. En quelques secondes le reptile avait grimpé sur la plus haute branche de l’arbre voisin, hors de toute portée ; il se gonflait à outrance, sans cesser de regarder la négresse d’un air de défi.

« Eh bien ! s’écria Ruth, ne vous avais-je pas dit que c’était une bête enchantée ? Elle a entendu ce que l’on disait d’elle. »

On voit que la jeune innocente n’était nullement convaincue par les paroles de Max Mayburn elle se croyait toujours en présence d’un être antinaturel.

Arthur rappela bientôt ses amis à la réalité de leur position ; au lieu de