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AU PAYS DES KANGAROUS

Nakina, au contraire, observait attentivement ce qui se passait ; elle vint un matin s’agenouiller près du chef de la famille, et joignit les mains à l’exemple des autres en écoutant la prière sans en comprendre le sens ; mais cette façon d’agir parut faire grand plaisir à tous les voyageurs.

« Est-il donc possible, demanda Max Mayburn à Wilkins, que ces sauvages ne connaissent même pas l’existence de Dieu ?

— C’est comme cela, répliqua le convict. Ça vit à l’égal des animaux particulièrement les femmes, qui travaillent du matin au soir, portent d’énormes fardeaux, et ne reçoivent que des coups pour tout salaire. »

Les regards de Baldabella, humbles, craintifs même, prouvaient bien l’assertion de Wilkins ; mais Marguerite espérait qu’avec de bons traitements elle parviendrait à développer l’intelligence de cette pauvre femme.

En remontant le long du fleuve, les voyageurs parvinrent près de rapides formés par des roches tombées dans le lit du courant d’eau, et il leur fallait à chaque instant descendre à terre et se frayer un passage à travers les jungles, ou bien sous les voûtes creusées en dessous des falaises élevées qui surplombaient le fleuve.

Ils aperçurent enfin une chaîne de montagnes à l’horizon, ce qui leur fit comprendre qu’ils allaient bientôt atteindre la source de cet affluent et être forcés d’abandonner leurs embarcations pour se remettre en route chargés de fardeaux.

« Nous ne pourrons plus franchir alors de longues traites, observa Gérald. Pourquoi n’emporterions-nous pas avec nous nos canots, jusqu’à ce que nous ayons la bonne chance de rencontrer une autre rivière ? Plût à Dieu que nous pussions trouver un courant d’eau se dirigeant à l’ouest ou vers le sud !

— Cela n’est guère probable, mon cher ami, fit Arthur, car nous sommes fort éloignés encore du centre du pays aussi je ne suis pas d’avis d’emporter nos embarcations : dans ces vastes forêts nous retrouverons toujours des arbres pour reconstruire des bateaux lorsque nous en aurons besoin. N’entends-tu pas le bruit de l’eau ? nous approchons certainement d’une grande cascade. Mon avis est que nous ferons bien de chercher une grotte dans les rochers, afin d’y déposer nos bagages et nous enquérir ensuite d’une route facile pour sortir de cet entonnoir.

— Je ne pense pas que ce soit une chose bien malaisée, répondit Gérald.

— Pour toi, pour nous, c’est possible, mon cher ami répliqua Arthur mais tu oublies mon père, Marguerite, Baldabella et son enfant, y compris Jenny Wilson et Ruth, et le bagage, qui doublera de poids pendant l’ascension. Il faut à toute force découvrir un passage facile, et nous débarquerons dès que nous l’aurons trouvé. »

Max Mayburn et sa fille firent observer à Arthur et à Wilkins qu’ils s’exposaient tous les deux à plus de dangers que les autres ; mais on leur répondit que l’expédition à la découverte pourrait être plus aisément conduite par quelques personnes que par un grand nombre. En conséquence, on remonta deux canots sur le rivage, et on les cacha, avec tous les paquets