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AU PAYS DES KANGAROUS

Un jour cependant Max Mayburn prit une ferme résolution. Il écrivit à lord S…, dont il était le fermier, de vouloir bien lui rendre sa liberté.

La fille de Max Mayburn, Marguerite, avait atteint sa seizième année. Sa bonne mère avait développé chez elle une prudence et un bon sens naturels qui en faisaient une jeune fille digne d’être distinguée entre beaucoup d’autres.

À côté d’elle vivait dans la maison son frère, l’aîné des garçons, nommé Arthur, plus jeune d’un an que Marguerite, et dont le caractère ressemblait fort à celui de cette chère sœur.

Le troisième enfant était Hugues Mayburn, entrant dans sa treizième année ; eu égard à son jeune âge, il n’était pas aussi sérieux que son frère et sa sœur ; mais, plein de franchise, incapable de se laisser tenter par les mirages d’un monde méchant, il possédait toutes les qualités d’un cœur honnête et loyal.

Le fils du capitaine O’Brien, confié par son père à son ami Mayburn, était, à vrai dire, la charge la plus lourde de la famille ; non point qu’il eût de méchants instincts, mais parce qu’il était turbulent, audacieux, indépendant et toujours prêt à désobéir. C’est à cause de ces défauts que le bon fermier se lamentait d’avoir assumé une pareille responsabilité mais il avait promis à O’Brien, sur son lit de mort, de remplir les fonctions de père auprès de son enfant Gérald, et à cette heure il tremblait de se trouver incapable d’atteindre le but proposé.

« Marguerite, dit un jour Max Mayburn à sa fille, tu voudras bien ne jamais perdre de vue Gérald quand je serai obligé de m’absenter. J’éprouve la crainte de le voir décrocher les cloches de l’église, lorsqu’il grimpe le long des murailles pour dénicher les œufs de corneilles ; ou bien je tremble qu’il n’ait les yeux crevés par les paons dont il aurait voulu arracher la plume dans le parc de Moore-Abbey.

— Excusez-moi, cher père, mais vous êtes bien un peu coupable dans tout ceci. N’est-ce pas vous qui l’avez initié au goût de l’ornithologie ?

— Que dis-tu là, chère enfant ? Mais Gérald n’a pas la moindre vocation. Il sait à peine distinguer un corbeau d’une colombe, et il lui serait impossible de nous expliquer à quelle famille appartiennent ces « freux » auxquels il a déclaré la guerre. Qui plus est, je vois avec chagrin qu’il entraîne dans cette école buissonnière mon cher fils Hugues. Pauvre Gérald ! je le crois incapable de la moindre application et de la plus légère persévérance.

— Heureusement que notre frère adoptif n’est point un paresseux, répondit Marguerite à son père. Il faut espérer qu’avec l’âge le brave garçon acquerra du sérieux, qu’il saura apprécier la nécessité d’étudier et d’apprendre à fond l’histoire naturelle, sous votre habile direction.

— Mais que vais-je faire de cet enfant, si je m’éloigne de l’Angleterre, comme j’en ai le projet ? Et vous-mêmes, chers enfants, toi et tes frères, ai-je le droit de vous exposer aux dangers de la mer et de la vie aventureuse.

— Comment, cher père, pourriez-vous songer à partir sans nous emmener avec vous ? Jamais nous ne consentirionsà nous séparer de vous. Si le départ que vous projetez a lieu, tous nous quitterons l’Angleterre en votre compagnie. Gérald est devenu notre frère depuis la mort du bon capitaine O’Brien,