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AU PAYS DES KANGAROUS

roches de grandes marques qui, pareilles aux fils d’Ariane ou aux cailloux du Petit-Poucet, devaient les aider à revenir sur leurs pas. Mais à chaque instant ils s’arrêtaient pour admirer les oiseaux s’élançant hors de leurs nids, comme pour protester contre la présence de ces étrangers envahisseurs.

« Ne ferions-nous pas bien, dit enfin Gérald à Hugues, de nous approvisionner de gibier et d’œufs pour pouvoir tenir pendant une semaine dans notre forteresse ?

— Cela, me paraît inutile, répliqua Hugues puisque nous ne pouvons pas conserver nos vivres, en raison de la chaleur. Qu’il nous suffise d’apporter quelques spécimens de ces oiseaux à mon père et à ma sœur, pour prouver la vérité de notre découverte. Ce dont il s’agit, c’est de trouver l’endroit où aboutit ce défilé, qui nous conduira peut-être à la liberté.

— Le chemin en est difficile de toutes façons, fit Gérald ; mais continuons. »

En effet, les deux amis se glissèrent sous les buissons, sautèrent de roche en roche, traversèrent quelques ruisseaux, pendant une heure environ, jusqu’au moment où Hugues dit à son ami qu’à son avis ils feraient bien de retourner, de peur d’alarmer leurs parents et amis.

« Mais qu’entends-je ? dit alors O’Brien ; on dirait le bruit d’un cours d’eau. »

Et voilà les deux jeunes gens qui s’aventurèrent encore au milieu de mille difficultés de terrain, et parvinrent enfin sur la rive d’un fleuve resserré entre des montagnes et se dirigeant vers l’ouest. Le lit du courant d’eau avait environ quarante mètres de large ; mais il était tellement encaissé, qu’il semblait impossible de le traverser. Des massifs de bambous croissaient sur les bords ; mais, en regardant plus loin, les jeunes gens s’aperçurent que le pays était très découvert.

« Plût à Dieu que nous pussions traverser ce fleuve ! dit Gérald ; nous échapperions ainsi à ces méchants sauvages, qui probablement n’ont pas de canot. Nous conduirons Jack en cet endroit, et il pourra fabriquer une embarcation qui nous donnera les moyens de fuir ces lieux inhospitaliers et cette peuplade de démons. Nous allons lui porter un morceau d’écorce comme preuve de la possibilité de l’essai que nous lui proposons. »

Tout en parlant ainsi, les jeunes gens coupèrent une grande lanière d’eucalyptus, qu’ils roulèrent de façon à en faire un vaste cornet, au milieu duquel ils placèrent quatre faisans et une certaine quantité d’œufs. Cette récolte se fit pendant qu’ils retournèrent sur leurs pas, en suivant les traces blanches faites avec la craie ; si bien que Hugues et O’Brien parvinrent bientôt devant la croix qu’ils avaient tracée au sortir du « bosquet enchanté ».

Quelques minutes après, ils rentraient dans la caverne et se montraient aux yeux de ceux qui y étaient restés.

« Nous sommes allés en maraude, dit Gérald en tirant les faisans de son cornet d’écorce. Que penses-tu de notre chasse, général Arthur ?

— Je crois que vous avez commis une grande imprudence, mon frère et toi, répondit l’aîné des Mayburn ; mais je devine que vous avez trouvé quel-