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VOYAGE

« Nous veillerons de ce côté-là, dit Hugues à ses amis. Jenny va être bien contente en voyant cette provision, qui suffirait à alimenter le foyer d’hiver d’une famille ; qui plus est, nous pourrons fabriquer des flèches à volonté. Allons, mettons-nous à l’œuvre avec les arêtes des poissons que nous avons mises en réserve, nous aurons bientôt des armes excellentes. »

Marguerite vit avec plaisir les deux jeunes gens les plus turbulents de la bande s’occuper sérieusement ; mais son père protesta contre la fabrication de ces engins, dont les pointes, inutiles pour la chasse aux oiseaux et aux animaux, étaient destinées à blesser ou tuer des hommes.

Wilkins, lui, fabriquait une paire de souliers à l’aide de la peau de kangarou, tandis que Jack façonnait de la corde avec le reste de l’écorce textile.

La journée se passa sans la moindre alerte.

La nuit fut également très calme, et l’aube parut sans que les sauvages eussent fait acte de présence. Cependant, avant midi, l’on aperçut tout à coup une troupe immense qui se rua devant l’entrée de la caverne, de façon à empêcher les assiégés de faire usage de leurs armes.

Les sauvages étaient armés de massues, à l’aide desquelles ils attaquèrent la muraille par trop primitive qui défendait l’entrée de la caverne. C’était là une tactique redoutable, et il fallait accumuler pierre sur pierre pour remplacer celles que les noirs arrachaient. Mais les jeunes gens ne perdaient pas courage les indigènes gagnaient du terrain ; il fallait donc agir sérieusement, et Wilkins se chargea de la riposte, en enfonçant jusqu’à la garde son coutelas dans la poitrine d’un sauvage qui avait passé la moitié du corps dans l’un des interstices du mur.

L’homme poussa un cri terrible et tomba au milieu de ses frères, qui l’entourèrent, examinèrent sa blessure et jetèrent leurs regards de tous côtés, sans pouvoir comprendre d’où avait pu partir le coup.

La plupart des noirs se mirent à fuir, poursuivis par une nuée de flèches que lancèrent les jeunes gens. Les autres indigènes demeurèrent près de leur frère, lui prodiguant des soins touchants et l’emportant loin de l’endroit où avait eu lieu sa chute. La blessure du nègre était mortelle.

Il va sans dire que les noirs qui portaient secours à leurs camarades furent respectés, et purent disparaître sans qu’il leur fût fait le moindre mal. Pendant tout le reste de la journée on n’entendit que les gémissements des femmes indigènes, qui s’éteignirent peu à peu dans l’éloignement, et tout redevint calme aux alentours de la caverne.

Quand le jour parut le lendemain matin, les assiégés furent d’avis que la forteresse dans laquelle ils se trouvaient n’était pas tenable, car la chaleur était intolérable et l’eau manquait.

« Il nous faut absolument renouveler notre provision, fit Arthur, sinon nous sommes perdus. Voyons ! trois d’entre nous vont se rendre à la source pour remplir nos récipients, tandis que nous ferons bonne garde et que nous protégerons leur entreprise. »

Hugues, Wilkins et Arthur s’emparèrent de la gourde et des coquilles. On laissa Jack et Gérald pour défendre l’entrée et veiller sur les femmes.

Arthur ne voulut pas emporter le fusil ce fut Jack qui le garda, avec ordre de s’en servir à toute extrémité.