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AU PAYS DES KANGAROUS

coup, c’en était fait de nous tous. Les sauvages s’apercevront que nous sommes à deux de jeu.

— Je ne puis vous approuver, Gérald, observa Max Mayburn. J’espère que le malheureux n’est pas grièvement blessé.

— Cependant, Monsieur, ajouta Wilkins, ces gens-là ont tiré sur nous avec l’intention de nous faire du mal ; aussi n’est-ce qu’un prêté rendu.

— Enfin ils sont partis ! puissent-ils ne pas revenir ! répliqua Gérald. Ah ! si nous pouvions maintenant nous procurer du bois.

— Un moment, un moment, fit Arthur ; pas d’imprudence. Nous avons assez de combustible pour un jour, et nous ignorons à quelle distance nos ennemis ont pu fuir.

— Pas si loin que vous pourriez le croire, observa Wilkins. Derrière chaque arbre, chaque rocher, il doit y avoir une sentinelle noire. Il nous faut donc manger ce que nous avons comme nous pourrons. Bientôt nos ennemis nous joueront un autre tour de leur façon. »

Ce qui fut dit fut fait, et la journée s’écoula de la sorte, les yeux au guet, à écouter les cris de signaux des sauvages, sans jamais les apercevoir. Jenny Wilson avait fait rôtir les faisans avec le bois qui se trouvait dans la caverne, tandis que Marguerite remplissait un sac des plumes de ces oiseaux, afin que son père pût y reposer sa tête, malgré les protestations de ce dernier, qui prétendait n’avoir pas besoin de cette « douilletterie » et ne pas vouloir ajouter un autre bagage à celui dont ils étaient déjà chargés.

« C’est moi qui porterai ce sac-oreiller, répliqua Marguerite. J’espère que nous trouverons bientôt une rivière dont la navigation nous déchargera de tous nos fardeaux.

— Je préférerais, je l’avoue, fit Jenny Wilson, un véhicule traîné par des bœufs ; ceux de M. Deverell, entre autres, dans lesquels vous et M. Mayburn seriez transportés.

— Tandis que nous monterions à cheval, ajouta Hugues. Quoi que vous en disiez, cher père, sur la beauté de la nature dans ce pays, convenez qu’il y manque des animaux de charroi des chameaux, des éléphants, des lamas, des vigognes, voire même des onagres, que l’on dompterait avec un peu de ténacité. Le seul quadrupède que nous ayons encore rencontré, c’est le kangarou. Je n’ai jamais ouï dire qu’un homme soit parvenu à se servir d’un de ces animaux pour monture.

– C’est que l’on n’a pas essayé probablement, riposta Gérald. Ah ! si nous rencontrions quelque autruche pour la soumettre à nos volontés !

— Je ne pense pas, remarqua Max Mayburn, que l’émeu, qui est l’autruche de l’Australie, soit de taille suffisante pour porter des fardeaux, et que son caractère le dispose à se soumettre à l’homme ; mais aurons-nous jamais la possibilité de rencontrer un de ces oiseaux géants ? »

En se promenant dans les différents boyaux de la caverne, les jeunes gens découvrirent une certaine quantité de bois mort, empilé dans une cavité supérieure.

« Si les indigènes connaissaient cette ouverture qui aboutissait au rocher supérieur, se disaient-ils entre eux, ne pourraient-ils pas se glisser parmi nous ? » car il n’y avait pas à récuser l’évidence ; le fait était exact.