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D I A L O G V EI.

chaux de France (excepté celuy de Mont-morency, qui le iour auparauant eſ‍toit allé à la chaſ‍ſe) le cheualier d’Angoleſme, le duc de Neuers, Chauigny, & pluſieurs autres capitaines, alla viſiter l’Amiral, qui mouroit d’enuie de luy parler : le Roy l’ayant ouy, & faiſant du pleureux, confeſ‍ſa librement, que l’Amiral s’aſ‍ſeurant ſur ſa foy & bienvueillance, eſ‍toit venu à la cour : & partant quoy que la douleur des bleſ‍ſures fuſ‍t à l’Amiral, que l’iniure & l’outrage eſ‍toit fait à luy, & qu’il eſ‍toit reſolu de tout ſon cœur, d’en auoir la raiſon, & en faire iuſ‍tice ſi exemplaire, qu’il en ſeroit memoire à iamais.
L’Amiral repliqua, qu’il en remettoit la vengeance à Dieu, & au Roy le iugemẽt : quant à l’autheur du faic‍t, qu’il eſ‍toit aſ‍ſez bien cognu. Et pource qu’il ne ſcauoit s’il auoit encores longuement à viure, il ſupplioit treshumblement le Roy de l’ouyr ſur certaines choſes qu’il luy vouloit cõmuniquer, qui eſ‍toyent treſneceſ‍ſaires à l’eſ‍tat de ſon Royaume.
Le Roy à ceſ‍te demande, ayant fait ſemblant de vouloir ouyr l’Amiral en ſecret, commanda que chacun ſortiſ‍t de la chambre, quand la Royne-mere, qui n’abandonnoit le Roy d’vn pas empeſcha (ie ne ſcay pourquoy) que ce colloque ſecret ne ſe fiſ‍t.
Le ſamedi ſuyuant 23. iour d’Aouſ‍t, les playes ſe portoyent aſ‍ſez bien, tellement que les medecins & chyrurgiens diſoyent, que la vie de l’Amiral n’en eſ‍toit en aucũ danger : que le bras, en perdant

bien peu de ſa force, ſeroit aiſément gueri.

Diii.