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D I A L O G V E.

de deniers qu’il auoit fourny au roy Henry lors des guerres de monſieur de Guyſe en Toſcane) lequel il creut facilement, bien aiſe de ceſ‍te occaſiõ, puisque ſa maladie l’empeſchoit de paſ‍ſer outre : ayant dõc apprins le nom du Luquoys, & doutant que le retardement des letres de ſa ſainc‍teté ne luy fuſ‍t dommageable, il le pria de ſe charger des letres & du tableau, qu’il luy remit entre mains, pour les liurer, comme il promit, au Cardinal. Ce Luquoys ne fut pas ſi toſ‍t à Paris, que ayant rẽcontré vn peintre à ſa poſ‍te, & l’occaſion de faire vn ſcorne à monſieur le Cardinal, fit faire vn tableau de meſme grandeur, où le Cardinal de Lorraine, la Royne ſa niece, la Royne mere, & la ducheſ‍ſe de Guyſe eſ‍toyẽt peints au vif nuds, ayãs les bras au col, & les iambes entrelacees l’vn auec l’autre : puis le fit ſoigneuſement empaqueter dãs le tafetas & toile ciree de l’autre tableau, & trouua moyen de le faire conſigner, auec les lettres de ſa ſainc‍teté, en la chambre du Cardinal, lors qu’il eſ‍toit en conſeil, entre les mains d’vn de ſes ſecretaires : Quand mõſieur le Cardinal reuenu du conſeil, eut leu les letres de ſa ſainc‍teté, il reſerua de voir le tableau au lendemain diſner : auquel tout expres il conuia meſsieurs les Cardinaux de Bourbon, de Tournon, & de Guyſe, les ducs de Montpenſier, & de Guyſe, & quelques autres grãds ſeigneurs : ils ne furent pas au ſecond ſeruice, que monſieur le Cardinal ayant fait lire tout haut les letres de ſa ſainc‍teté, eſmeut tellement le deſir de la compagnie à voir noſ‍tre dame de grace, que

quittant le repas du corps pour repaiſ‍tre leurs

eſprits