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D I A L O G V E.

du Roy inopinee, ne pouuant empeſcher leur deſir de voler, retrancha en beaucoup de ſortes les æſ‍les de leur eſperance. Peu de temps apres (comme vn deſaſ‍tre ne va gueres ſeul) il fut ioué vn terrible tour à monſieur le Cardinal, ſi d’aueuture ne l’auez ſceu : ie le vous diray en deux mots.
Le pape aduerti de l’iſ‍ſue du faic‍t d’Amboyſe, & du bon deuoir que le Cardinal de Lorraine auoit fait à maintenir le parti de ſainc‍te mere Egliſe Romaine, contre les Lutheriens deuenus Huguenots (qui ſembloyent ne ſe contenter que les feux allumez ceſ‍ſaſ‍ſent ſi quant & quant ils ne parloyent & diſputoyent publiquement de leur religion & doc‍trine) luy reſcriuit par vn courrier expres des letres gratulatoires, le merciant de la bonne volonté qu’il auoit monſ‍tré à maintenir le parti du ſainc‍t ſiege Romain, & le priant de continuer de bien en mieux en celle bonne affec‍tion : en recognoiſ‍ſance de laquelle, il luy enuoyoit en don par le porteur, vn tableau cõſacré par ſa ſainc‍teté, d’vne noſ‍tre dame de grace tenãt ſon fils entre ſes bras, que Michel Angel de ſa plus doc‍te main, auoit pourtraic‍t cõme vn chef-d’œuure : Aduint (comme Dieu voulut) que le courrier qui portoit les letres du Pape auec le preſẽt du tableau, eſ‍tãt tõbé malade par les chemins, rencõtra vn ieune marchant Luquoys catholique qui s’en alloit en cour, & ſe diſoit eſ‍tre au Cardinal de Lorraine (cõbien qu’à vray dire il fuſ‍t ſon ennemi mortel & deſeſperé, par ce qu’il ne pouuoit auoir ſeure aſsignation du Cardinal, qui manioit les finances de France, d’vne grande ſomme