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D I A L O G V E.

regriner en region tant eſloignee de la tienne.
Phi. Quand tu ſçauras ce qui m’y a cõduit, tu t’eſmerueilleras beaucoup plus de ceux qui m’õt donné occaſion d’en ſortir, que de moy qui l’ay ſceu prendre. Quant à ma retraic‍te en ce pays, le peu de ſeureté que ie voy aux autres plus voiſins, pour la fetardiſe de ceux qui y commandent, m’a cõtraint (par l’aduis meſme du Politique) de venir icy de bõne heure cercher ſiege, & repos aſ‍ſeuré.
Ali. Que tu y ſois derechef le bien venu. Quand tout eſ‍t dit, la demeure en ces terres-cy par la grace de Dieu eſ‍t beaucoup plus aſ‍ſeuree & plus libre pour nos amis, qu’elle eſ‍t en beaucoup d’ẽdroits où ceux qui ſe diſent Chreſ‍tiẽs ont la puiſſance & le gouuernement. Mais ie te prie, dy moy la raiſon, pourquoy tu es ſorti de ta patrie, & qui t’a ainſi deſualizé et deſapointé de la ſorte ?


Phi. Ie ſuis content de te le dire, & te prie de croire, Quoy que ce meſchef me ſoit aduenu pour l’amour de toy : de ce que fauoriſant ton parti, ie t’ay touſiours confeſ‍ſee & maintenue, enuers tous & contre tous : Ie ne t’en demanderay aucun grand-mercy : encores moins t’en ſcauray-ie mauuais gré, ny ne quitteray pourtãt l’obligation que i’ay à te defendre & maintenir, à la vie & à la mort : Mais s’il te ſemble mieux que l’Hiſ‍toriographe que voila, recite le faic‍t pluſ‍toſ‍t que moy, qui pourroy’ ſẽbler ſuſpec‍t à ces meſsieurs qui nous eſcoutent : luy, qui a la memoire bonne, & l’integrité requiſe à ſon eſ‍tat, te pourra informer ſommairement, & ces auditeurs enſemble, du faic‍t ainſi qu’il eſ‍t paſ‍ſé.

A.ii.