nemis, mais certes bien de l’ennemy, & de celuy
que vous faites ſi grãd, qu'il eſt , pour lequel vous
allez ſi courageuſement à la guerre, pour la grandeur
duquel ne refuſez point de mettre à la mort
vos perſonnes. Celuy qui vous maiſt riſe tant, n’a
que deux yeux, n'a que deux mains, n'a qu'vn
corps, & n’a autre choſe, que ce qu'a le moindre
hõme du grand & infiny nõbre de vos villes. Sinon
qu’il a plus que vous tous, vn cœur deſloyal,
felon, & l'auantage, que vous luy donnez pour
vous deſt ruire, d'où a-il pris tant d'yeux, dont il
vous eſpie? ſi vous ne les luy baillez. Comment
a-il tant de mains pour vous frapper ? s’il ne les
prent de vous : les pieds, dont il foule vos citez,
d’où les a-il, s'ils ne ſont des voſt res ? Comment
a-il aucun pouuoir ſur vous, que par vous ? comment
vous oſeroit-il courir ſus, s’il n’auoit intelligence
auec vous ? que vous pourroit-il faire, ſi
vous n'eſt iez recelateurs du larrõ qui vous pille,
complices du meurtrier qui vous tue, & traiſt res
à vous meſmes.
Vous ſemez vos fruict s, afin qu’il en face deſgaſt ,
vous meublez & rempliſſ ez vos maiſons
pour fournir à ſes pilleries & volleries, vous nourriſſ ez
vos filles, afin qu’il ait dequoy raſſ aſier ſa
luxure : vous nourriſſ ez vos enfans, afin que pour
le mieux qu’il leur ſcauroit faire, qu'il les mene
en ſes guerres, qu'il les conduiſe à la boucherie,
qu'il les face les miniſt res de ſes conuoitiſes, les
executeurs de ſes vengeances, & bourreaux des
conſciences de vos concitoyens : vous rompez à
la peine vos perſonnes, afin qu'il ſe puiſſ e mig-
Page:Reveille-matin des François, 1574.djvu/395
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
D I A L O G V EI I.