Si eſpere-ie qu’il t’auiendra quelque iour pour
beaucoup qu’il tarde à tout le moins ce qui auint
à Tryfus ce tyran inſigne, mais ſans comparaiſon
meilleur que tu ne fus iour de ta vie. Ce vilain
ayant deffendu par ſon edict à ſes ſuiets de ne parler
point l’vn à l’autre ny en public ny en priué,
(craignant qu’entre eux ils n’auiſaſſ ent de ſe remettre
en liberté) ſes poures ſuiets furent contraints
pour exprimer leurs conceptions les vns
aux autres d’vſer de geſt es, de contenances & ſignes
des yeux, de la teſt e & des mains tels qu’ils
pouuoyent pour s’expliquer. Mais ces façons &
moyens de ſe faire entendre, leurs eſt ans auſsi deffendus :
vn poure bõ hõme outré du creuecœur &
deſplaiſir qu’il ſentoit d’vn ioug ſi peſant, s’en alla
au milieu de la place, cõmẽça à ſe plaindre en ſoy
meſme, à lamenter, à gemir & à plourer, tellemẽt
qu’il attira vne grande multitude de ſes concitoyens
à larmoyer auecques luy pour leur dure & miſerable
condition. Cela eſt ant entendu du tyran,
ne pouuant ſouffrir ſeulement qu’on ſe plaigniſt
de ſes cruautez, s’en vint droit à la place, où ceſt e
poure multitude deſarmee & plourante eſt oit aſſ emblee :
pour leur empeſcher encores celle naturelle
faculté de gemir & larmoyer. Mais Dieu
voulut que le peuple ne ſe pouuant plus contenir,
s’eſt ant rué deſſ us les gardes & ſatellites du tyrã,
leur arracha des poings les armes & mit le tyran
infame en mille pieces & lopins.
Le pol. Voila bonnes gens, compagnon, ie croy
bien qu’apres ce beau trait Tryfus le tyran n’euſt
oſé les empeſcher ny leur deffendre de ſe com-