Page:Reveille-matin des François, 1574.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
D I A L O G V EI I.

eſprit, n’a peu eſ‍tre retenue ny empeſchee qu’elle n’ait tẽté le dernier effort de ſõ deſ‍tĩ, trainãt auec ſon deſaſ‍tre la ruine de tous ceux qui s’en ſont accoſ‍tez. L’infortuné duc de Northfolc a eſ‍té le dernier, qui par ſon ſupplice nous ſert de bon teſmoin, quelle n’a laiſ‍ſé peril à eſ‍ſayer. Ayant fait la plus haſardeuſe entrepriſe qui ſe peut faire, qui eſ‍t, d attenter ſur la vie de celle qui a la ſienne en ſa puiſ‍ſance, & de contraindre ceux qui ont ſa vie en leurs mains, de n’eſ‍timer point leur vie eſ‍tre aſ‍ſeuree s’ils ne luy oſ‍tẽt la ſiene : Mais qu’attendẽt ils ces Anglois ? N’y a-il ame qui remonſ‍tre à la Royne & à ſon Conſeil la neceſsité qu’ils ont de s’oſ‍ter vne telle eſpine du pied ?

L’hi. Voire dea : Il y en a eu des plus doc‍tes & plus zelez qui n’ont rien oublié à luy dire ſur ces arguments : Mais la royne d’Angleterre eſ‍t ſi bonne, elle eſ‍t tant pleine de clemence & douceur quelle ne prent point de plaiſir à voir reſpandre le ſang.

Le pol. Quelle douceur noſ‍tre Seigneur, & quelle clemence eſ‍t celle-là, qui traine auec ſoy la ruine d’vn eſ‍tat ſi beau & ſi grand, & de la Religion enſemble ! N’eſ‍t-ce pluſ‍toſ‍t la cruauté la plus extreme qu’on vit onques ? Si vne telle calamité ſe peut euiter par moyẽs iuſ‍tes & licites : Celuy qui ne l’empeſchera ne ſera-il pas coulpable de tous les mal-heurs qui en aduiendront : Sera-ce pas vne cruelle clemence pour eſpargner le digne de mort, faire mourir tant d’innocents, & vne double charge de conſcience à vn Prince de ne vouloir faire iuſ‍tice, ne procurer le ſalut de tout ſon Royaume. Dieu preſẽte ce choix à la royne d’An-