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A TRES-EXCÈLLENTE ET
Tres-illuſtre Princeſſe Elizabeth Royne
d’Angleterre, de France, d’Ir-
lande &c.
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MAdame ie ſuis ſi mauuais flatteur, que ie ne
ſuis iamais plus aize, qu’alors que ie puis li-
brement dire mon auis des choſes qui nous
paſſent deuant les yeux, principalement ſi elles ſont
de quelque poids & conſequence. Que ſi d’auenture
il ne m’eſt permis (comme souuent, cela eſt deffendu
aux gens de bien, de peur qu’vn libre iugement n’of-
fenſe l’oreille des grans, ou que leurs mignons qui en
abuſent ne ſoyent par là cognus & chaſtiez,) Si ie
puis alors pour le moins ayant mon recours au pa-
pier faire parler quelque honneſte homme, qui deſ-
couure ce que i’en ſens, tout auſsi toſt mes eſprits re
peus de ceſte liberté, vont reprenant nouuelle force.
C’eſt ce qui fait que tout gaillard, tout reſolu ſans
nulle crainte (ne m’eſtant loiſible de dire) ie vous
offre pour maintenant vn Reueillematin, Madame,
tel que ma plume a peu tracer pour la gloire de no-
ſtre Dieu, le bien de ſon Egliſe, voſtre grandeur &
voſtre eſtat, & pour celuy de vos voiſins. Ie ne vous
diſcours pas icy les matieres que i’y traite : la lectu-
re les monſtrera & le subiet merite bien qu’on pre-
ne la peine de le lire. Mais ie vous puis bien aſſeu-
rer, Madame, qu’il n’y a rien de ſuperf‍lu (ſi ce n’eſ‍t
aux trop delicats) rien de faux, rien qui ſoit indigne
d’eſtre dit & recommandé par eſcrit au temps à ve-
nir : Voire rien du tout qui ne ſerue au bien public du

temps