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mon beau-père m’aima toujours comme sa propre fille, n’est-il donc pas légitime que l’illustration des Ledoyen rejaillisse sur moi et sur ma race, à défaut d’héritier direct ! » Et dans le ménage du capitaine Robert, l’illustration des Ledoyen, barons de l’Empire, avait été la cause de tous les maux, car l’épouse, trichant avec la loi, n’avait apporté qu’une dot fictive et, par orgueil, pour ne pas déchoir d’une situation si enviable, elle avait écarté les petits parents et les petits amis, n’ayant commerce qu’avec les femmes des officiers supérieurs et des principaux fonctionnaires. Par sa vanité et sa hauteur, elle s’était fait haïr au régiment, et malgré ses avances, la politesse de ses sourires, elle n’avait su encore gagner à Gondreville aucune réelle sympathie.

Suzie avait hérité de l’orgueil maternel ; mais sa jeunesse et son bon cœur corrigeaient sa morgue instinctive. Aline et son frère Charles avaient les goûts simples, l’âme un peu fermée du père ; la jeune fille était plus timide, le garçon plus farouche, tous deux souffraient silencieusement de la tyrannie domestique qu’exerçait leur mère. Par avance, madame Robert avait décrété que ses filles se marieraient richement, que son fils entrerait à Saint-Cyr : Après l’échec de celui-ci au baccalauréat, elle s’était rejetée sur Saint-Maixent ; Charles la laissait dire, bien décidé à faire son service, mais à ne pas rester au régiment. Le capitaine dressé à l’obéissance, assoupli par vingt-cinq ans de domination conjugale, approuvait tous les projets de sa femme. Pas de discussion, pour avoir la paix…

— Comme il fera beau demain, Aline ; regarde, voilà les cousins qui dansent.