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met de produire plus vite, beaucoup et avec moins d’efforts, les salariés qu’elle supplée voient leur salaire, déjà insuffisant, se réduire encore — à moins qu’on ne les congédie. Mal rétribués ou mis sur le pavé, ils consomment moins. Et, comme ils sont le grand nombre, on aboutit à ce bizarre résultat que : plus la production augmente, plus la consommation diminue. En outre, la concurrence entre salariés, se portant sur un nombre d’emplois beaucoup moindre, devient de plus en plus désespérée. Déjà dévorés par les riches qui jetteraient leurs marchandises à l’eau plutôt que de leur abandonner le surplus de la production, ils se dévorent encore entre eux. Et naturellement, chaque jour, le nombre des sans-travail augmente.

Ce fait de salariés réduits à la mendicité par un instrument de richesse eut lieu récemment pour les cordonniers d’Angers, les tisserands de Verviers et les allumettiers de Pantin. — Le cas de ces derniers présente une particularité comiquement sinistre : rongés par la nécrose, ils demandaient qu’on substituât aux ingrédients nocifs qui les décimaient d’autres ingrédients inoffensifs employés d’ailleurs à peu près partout sauf en France. On leur promit de faire droit à leur juste demande, on les flatta, on les caressa, on fit appel à leur patriotisme, on les détermina à reprendre le travail. Quand ils furent rentrés dans leurs ergastules, on y installa des machines dont le maniement exigeait un personnel infiniment moins nombreux — et on les congédia en masse…

Ils ne sont pas encore revenus de leur stupéfaction — d’autant que Mossieur le Ministre d’alors, un vieux Panama du nom de Ribot avait daigné distribuer… des poignées de mains à leurs délégués.

Sans doute l’ignorance, la domestication, la timidité des Pauvres sont bien invétérées. Cependant ils commencent à