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Le travail c’est l’action. Or, l’homme ne se porte bien que lorsque il agit. — Et quand il agit, il est heureux.

Rien de plus curieux que les revirements de cette caste bourgeoise : la gent-de-lettres. Naguère, comme il était bien porté de se donner des allures subversives, beaucoup de la jeune littérature prônaient volontiers l’anarchisme, réclamaient la Révolution. Bientôt, à cause de certains incidents bruyants — et justifiés, cette ferveur tomba. Il devenait impolitique d’afficher de telles explosives opinions. Alors la plus grande prudence remplaça cette mode de se dire révolté. Les plus adroits insinuèrent « qu’on allait trop loin », que « l’aristocratie de la pensée ne pouvait admettre aucune alliance avec les grossières revendications d’un imbécile prolétariat », que « l’anarchie, bonne en tant que prétexte à dilettantisme, ne valait rien en application », que « les intellectuels se devaient de vivre dans le monde supérieur de l’art »…

Pauvres « intellectuels », que ferez-vous donc le jour où la Révolution éclatera pour de bon ?

Les poltrons, eux, déclarèrent que leur humanité souffrait trop de ces abominables désordres. Ils tirèrent leur épingle du jeu et se tinrent cois jurant qu’on ne les reprendrait plus à plaindre les Pauvres. Il y eut aussi ceux qui se targuèrent de leurs efforts antérieurs pour ne plus bouger.

Cependant les sincères, minorité infime, ne variaient pas et combattaient de plus belle pour l’Idée qui les avait conquis. — Aussi furent-ils traités de fous, de naïfs ou, mieux encore, de malins qui cherchaient à se distinguer, à « ne pas dire comme tout le monde » afin de conférer à leurs écrits un cachet de singularité.