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sieurs exploiteurs au profit de qui se dépensent son intelligence et son énergie. Profiter du travail d’autrui en travaillant soi-même le moins possible ou en ne travaillant pas du tout, telle est la règle de l’exploiteur − accaparer tous les biens de la terre afin d’entretenir son luxe et son oisiveté, tel est son but. Et cette doctrine exécrable n’a que trop prospéré puisque quelques-uns ont réussi, grâce au dogme d’autorité inculqué aux exploités, à détourner, en vue de leur seule jouissance, le patrimoine commun.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. D’une part, les possédants se sont engourdis dans la fainéantise et dans la mollesse ; leurs facultés n’étant plus exercées se sont atrophiées ; on a vu éclore chez eux les perversions les plus anti-naturelles, les maladies morales les plus monstrueuses − ce sont des dégénérés. D’autre part, les non-possédants obligés de produire sans bénéficier intégralement de leur labeur, obligés de dépenser leur activité dans un sens différent de celui que leur assignait leurs propres besoins, lésés dans leur nature, volés, trahis, dupés, affamés, vendus, endormis au nom de la foi et de la loi, n’ont pu se hausser à la pleine conscience de leur être − ce sont des incomplets.

L’Anarchie apporte le remède. Elle dit : « Tout est à tous. Que chacun produise selon ses forces et jouisse selon ses besoins ; que nul ne s’arroge le droit d’accumuler plus qu’il ne peut consommer : l’équilibre s’établira, et il s’établira naturellement car la terre suffit largement non seulement à nourrir toute l’humanité, mais encore à satisfaire toutes ses aspirations morales et intellectuelles. »

Et les moyens ? dira-t-on. − Ils sont de deux sortes. D’abord que l’homme comprenne la lutte pour la vie dans son vrai sens qui est celui-ci : chez beaucoup d’espèces faites pour vivre en société, comme l’espèce humaine, un instinct essentiel porte l’unanimité des individus à réagir contre les lois naturelles défavorables, à s’adapter aux lois