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12 LE SYMBOLISME

des gens aimables qui s'abstenaient de mordre leur visiteurs.

Je me rappelle, à ce propos, que M. Pierre Dévoluy, poète de talent qui habitait Nice et qui est devenu, je crois, depuis, quelque chose comme empereur du Félibrige, ayant passé une soirée avec quelques-uns d'entre nous, me prit à part pour me confier qu'il avait éprouvé une agréable surprise en constatant que nous savions vivre. « Je m'étais imaginé, me dit-il, à lire vos articles de polémique que j'allais rencontrer des êtres féroces toujours en train de vociférer leurs théories et leurs vers à la face des passants.

— Cette légende, lui répondis-je, mérite, vous le voyez, autant de créance que celle qui nous dépeint maigres, pâles, affublés de vêtements excentriques et laissant tomber, sans cesse, d'une voix blanche, des phrases déliquescentes. »

Je donne ce dialogue comme un exemple des mille absurdités répandues sur le compte des symbolistes. En réalité, nous étions, pour la plupart, des individus vigoureux, très sensibles, à coup sûr, mais non point névrosés. Nous vivions entre nous, nous nous aimions les uns les autres et nous préférions réciter de beaux vers plutôt que de perdre notre temps à flagorner des « Influences ».

Arrivé, comme dit Dante, au milieu du chemin de