Page:Retté - Le Symbolisme. Anecdotes et souvenirs.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

born with a silver spoon in your mouth ; beware of French men of letters.

— Vraiment, Monsieur, lui répondis-je, je crains que vous ne fassiez la part trop grande à mon inexpérience. Il est vrai, je n’ai guère que vingt-six ans, mais, grâce à votre sollicitude, j’ai connu Eton où je fus même le fag de Sa Grâce le duc de Sheepshead, laquelle ne me ménageait guère les croquignoles, nazardes et autres marques d’attention lorsque je ne cirais pas ses bottines à son goût ; ensuite j’ai glorieusement ramé à Cambridge ; enfin, plus tard, j’ai fait la connaissance de M. Oscar Wilde ; ce poète me donna son portrait et un tournesol en or !.. . Tout cela ne m’autorise-t-il pas à soutenir que je possède déjà quelque expérience de la vie ?

M. Swan ne me répondit pas tout de suite ; un large sourire équivoque lui fendait la bouche jusqu’aux oreilles. Enfin, au bout de quelques minutes : « Allez à Paris, mon garçon, me dit-il, mais surtout n’oubliez pas : d’abord ce que je viens de vous dire, ensuite, qu’il y aura toujours un morceau de mouton froid et un pot d’ale à Swan-Castle pour vous. — Portez-vous bien. »

Il me serra la main de la façon la plus nationale, et je partis emportant une adaptation en cinq actes de la tragédie : Le géant Agrapardo, roi de Nubie, pire que son frère feu Angulafer[1], destinée au théâtre de




  1. Conf. Robert Greene, 1587.