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artistes et les poètes pour, dit amusamment Maillard, ajouter une note d’art vrai aux bruits cosmopolites de l’exposition universelle. Les premières réunions eurent lieu au café de Fleurus, mais il fallut vite émigrer dans un local plus vaste. Ce fut le sous-sol du café de l’Avenir, situé place Saint-Michel, à l’angle du quai, qui fut choisi.

« Le succès fut très vif. Des tentatives de ce genre n’avaient eu qu’une existence précaire en dépit de noms qui demeurent. C’est qu’elles étaient venues prématurément. Elles n’en avaient pas moins préparé les voies. Quand Deschamps survint, l’heure était mûre. Il y avait du nouveau dans l’air.

« La dominante de l’esprit public était alors un chauvinisme grossier mêlé de niaiserie sentimentale et d’ignorance satisfaite. La gloire du café-concert était à son apogée. Paulus et Déroulède régnaient sur les foules et suffisaient à leurs besoins d’esthétique. Gandillot brillait d’un vif éclat et Francisque Sarcey, au nom du bon sens et de la vieille gaîté française, imposait un idéal médiocre. Armand Silvestre s’imaginait qu’il suffisait de verser dans l’ordure pour égaler nos vieux conteurs gaulois. Les imitateurs de Jean Richepin abusaient de la langue verte. Les romanciers naturalistes, sous couleur de vérité, n’étudiaient que la bête humaine et leur parti-pris de ne considérer les choses que sous leur angle brutal devait fatalement amener une réaction. A l’école du document humain,