Page:Retour de la domination espagnole à Cambrai – Siège de 1595 par le Comte de Fuentes.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rembarèrent lesdits français en la citadelle à grands coups d’arquebuse, sans que de leur part fut tiré un seul coup.

Vers le soir d’autres troupes entrèrent encore dans la ville et allèrent se camper dans les rues les plus près de la citadelle. Les bourgeois et les gens de bien eurent une grande joie de se voir quitte de la servitude de Balagny, et que le tout soit venu à une si bonne fin, sans effusion de sang humain. Il n’y eut dans ce beau jour que je capitaine Quelleries qui perdit la vie par le dernier coup de canon que tirèrent ceux du camp du côté de la Neuville ; il était sur la tour, assez près de celle de Cantimpré, montrant une écharpe rouge à ceux de la Neuville, pour leur faire comprendre que la paix était faite.

Son excellence fit sommer la citadelle de se rendre[1]. Balagny demanda une trêve jusqu’au

  1. Les Français s’étant retirés dans la citadelle, bien résolus de s’y défendre, s’aperçurent bientôt de l’impossibilité où ils étaient de s’y soutenir long-tems, parce qu’ils n’y trouvèrent aucune des provisions nécessaires ; il n’y avait même du blé que pour deux jours. Cet inconvénient, auquel ils ne s’étaient pas attendu, provenait de la faute de la dame de Balagny, qui, par un effet de son imprudence et de son avarice, avait fait vendre secrètement et à l’insçu de son mari, tout ce qu’il y avait de munitions et de grains dans les magasins. L’appât du gain l’avait séduite, la cherté du pain pendant le siège et la disette où la ville se trouvait de toutes choses, lui firent envisager un profit considérable dans la vente du blé, dont elle ne croyait pas avoir besoin. Elle s’en défit à haut prix. Plusieurs bourgeois attachés à l’archevêque, connaissant l’avidité de la dame de Balagny, avaient imaginé ce stratagème ; ils s’étaient unis pour faire cet achat, et firent peu à peu transporter en cachette, dans leurs greniers, tous les blés de la citadelle. Le comte de Fuentes fut surpris agréablement quand il fut informé de ce détail. Il envoya le lendemain sommer les assiégés de se rendre et de sortir de la citadelle, avant qu’il se donnât la peine de placer son artillerie pour la forcer. Se voyant absolument hors d’état de résister, ils acceptèrent les offres qu’on leur faisait d’une capitulation avantageuse.
    (Vie manuscrite de Louis de Berlaymont.)