Page:Retour de la domination espagnole à Cambrai – Siège de 1595 par le Comte de Fuentes.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs batteries jouèrent continuellement, ils en eurent une de 4 pièces à la porte du Mal qui fut enfoncée par une mine que les suisses avaient faite au fond des fossés ; mais cela ne les découragea pas. Balagny pensa que la démarche si hardie de Normand avait des ramifications qu’il lui fallait découvrir, que cet homme n’aurait pas osé aller au camp ennemi s’il n’avait été excité et soutenu par quelqu’un de puissant ; il communiqua sa pensée à sa femme, qui soupçonna le sieur Leofre de Ligny, de Villers-au-Tertre, homme noble et homme de guerre, comme voulant saisir une occasion de se mettre en avant et que c’était lui sans aucun doute qui avait excité le peuple à se révolter, puisque les bourgeois le demandaient ouvertement pour leur chef. Ce soupçon, joint à ce que Normand avait été fourrier dans sa compagnie, prit une telle consistance, que Balagny fit assembler tous ses suppôts et les officiers de la garnison, qui jugèrent, sans autre information, que c’était vraiment Leofre qui avait endoctriné Normand et qu’il convenait de lui couper la tête. Balagny commanda aussitôt à quelques gentilshommes de le saisir au cou pour en faire l’exécution ; mais comme Dieu aide toujours les siens, il ne permit point que ce jugement inique s’exécutât. Leofre ayant été averti par un de ses amis de mettre ordre à ses affaires, se rendit le mercredi au matin à la citadelle, et sans s’étonner aucunement, avec un visage tranquille et un maintien assuré, il demanda à parler à Mad. de Balagny, car parler à son mari c’était comme rien ; puisqu’elle seule faisait et défaisait tout. Il la trouva entourée de ses suppôts, avec lesquels elle paraissait être en étroite confidence. En voyant entrer Leofre elle se retourna vivement, lui fit une mine assez renfrognée, et sans rien lui dire, elle continua à mi-voix sa conversation avec ses courtisans ;