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de St-Géry quelques soldats avec arquebuse à crocs, pour tirer sur ceux du camp. Ces derniers ripostèrent aussitôt en tirant plusieurs coups de canon contre le clocher, qui fut endommagé ainsi que l’église. Les arquebusiers s’étant retirés, le canon cessa ; cependant les assiégeans continuaient de faire la tranchée, entre le chemin de Valenciennes et la Justice de la ville, les assiégés les saluaient à coups de canon, tant de la citadelle que du boulevard Robert, et en tuaient un bon nombre, ce qui n’empêchait pas les Espagnols de poursuivre leurs travaux et d’approcher jusqu’assez près des fossés de la ville, entre le boulevard Robert et la porte du Mal, amenant toujours gabions et fascines. Sur ces entrefaites, quelques suisses sortirent de la ville avec de l’infanterie pour repousser l’ennemi ; ils jetèrent des grenades et autres feux artificiels, qui brûlèrent quelques gabions et fascines, étant assez près du faubourg qu’on dit Amebourdon[1]. Dans cette escarmouche, 30 hommes furent tués et plusieurs blessés du côté des espagnols qui étaient à la tranchée. Ce fut la première attaque de la part des assiégés, depuis que les ennemis avaient commencé leurs travaux. Balagny en cela montra être grand homme de guerre, d’avoir laissé approcher si près les ennemis sans aucun empêchement[2].

  1. Ce faubourg était situé sur la gauche de la route de Douai ; il avait été détruit en partie dans les différens sièges, et ce qui en restait fut rasé lorsqu’on construisit le canal.
  2. La réflexion du moine de St-Sépulchre est d’autant plus juste, que nous lisons dans l’histoire manuscrite de Louis de Berlaymont : « ……… On ouvrit la tranchée, mais l’on ne travailla qu’avec une peine infinie et fort peu de succès, car du côté de l’Escaut on n’avait pas creusé un pied en terre, que l’eau arrêtait l’ouvrage, et sur la hauteur, vis-à-vis du boulevard Robert, on travaillait beaucoup sans avancer à rien, par la difficulté du terrain, qui n’est qu’une masse de terre dure et pierreuse.

    Il est très certain que si Balagny avait molesté les assiégeans par de fréquentes sorties et par des contre-batteries, ils se seraient bientôt rebutés ; mais il était visible qu’il avait perdu courage ou qu’il n’avait aucune expérience, parce que pendant dix jours que durèrent les travaux des espagnols, on ne fit pas la moindre résistance. Le duc de Rhetelois qui n’osait, à cause de sa grande jeunesse, rien entreprendre de son chef, et qui n’avait pas assez de crédit pour commander avec autorité, faisait tous ses efforts pour engager les assiégés à sortir de leur inaction ; mais voyant qu’on ne faisait aucun cas de ses ordres, il s’avisa d’ajuster lui-même une couleuvrine sur l’endroit où les Espagnols travaillaient avec le plus d’ardeur ; il tira si droit et enfila tellement la tranchée, qu’il troubla fort l’ouvrage des assiégeans. S’étant aperçu de ce beau succès, lui et les gentilshommes qui l’accompagnaient se mirent à braquer le canon sur les travailleurs, ce qui dérangea absolument leurs projets. »

    Si en ce moment Balagny avait ordonné des sorties, il est probable que le siège aurait eu une autre issue.