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fort tout complet bâti dans une seule nuit, s’étonnérent beaucoup et accusèrent la garnison de couardise, d’avoir laissé établir un fort si près de la ville. Cependant si ceux du camp besognaient avec grande diligence, les assiégés, de leur côté, travaillaient sans cesse aux fortifications, à faire des parapets, des embrâsures aux canons, des plates-formes et autres choses les plus nécessaires ; ils étaient de garde nuit et jour, de sorte que le plus souvent les bourgeois n’avaient qu’une nuit pour se rafraîchir. Personne n’en était exempt, jeunes, vieux, nobles, vilains et même les gens d’église. C’était de même dans la citadelle, jusqu’à la dame de Balagny, ses enfans et ses demoiselles de compagnie y portaient la hotte et la manne à deux.

Le samedi au matin, on abattit la pointe de la tour de Gallus où était le guet de la citadelle ; cette pointe était de plomb ainsi que le comble. Plusieurs personnes dirent que c’était une pure folie ou plutôt une nouvelle preuve d’avarice de Mad. Balagny, qui vendrait ce plomb à son profit[1]. On avait assuré les bourgeois que la ville serait secourue par le roi Henri IV ; on leur montrait des lettres supposées de ce monarque, et d’autres soi-disant du duc de Nevers, qui accourait avec une forte armée au secours de son fils ; mais les bourgeois ajoutaient fort peu de foi à ces promesses et le plus souvent s’en moquaient. Il régnait une vraie confusion dans le commandement qui se faisait journellement, tant aux troupes qu’à la gendarmerie, attendu que Balagny manquait de résolution et contredisait ses ordres à chaque instant, ce qui fit que chacun des courtisans

  1. Carpentier, partisan des Espagnols, et voulant exalter leurs exploits, dit que cette tour fut abattue par l’adresse de l’ennemi, tandis qu’elle fut démolie par les assiégés.