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XXXVI
RESTIF ÉCRIVAIN.

Je vais peut-être passer pour courir après le paradoxe. Cependant rien n’est plus vrai, selon moi, que ceci : Les seuls livres durables, ceux que la postérité recherchera toujours, ce sont les documents historiques, biographiques ou autres. Tout livre qui n’a pas des qualités littéraires extraordinairement supérieures ou qui n’apprend rien sur une époque, une famille, un homme, disparaîtra à juste titre. L’histoire se refait tous les cinquante ans, et une histoire si bonne qu’elle soit ne tient pas lieu des mémoires particuliers ; la science a besoin de nouveaux interprètes tous les quinze ans au moins : leurs prédécesseurs sont déjà émodés ; le roman, le théâtre, à part quelques exceptions, suivent la mode. Il ne reste au bout d’un siècle et il ne restera éternellement de livres que ceux dans lesquels la préoccupation de bien dire aura cédé devant celle de dire quelque chose de neuf et d’original. Or, comme je crois l’avoir démontré, Restif a dit quelques-unes de ces choses. Quand il n’aurait fait que se montrer lui-même, il serait toujours recherché par les curieux, les seuls lecteurs sur lesquels il faille compter dans l’avenir, et par les philosophes qui n’auront jamais trop de pièces authentiques pour créer cette science si difficile, si compliquée, à peine ébauchée : la science de l’homme.

J. Assézat.