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XXXV
SON ŒUVRE ET SA PORTÉE.

ouvrages dirigés, l’un contre Agnès elle-même, l’autre contre le mari de sa fille, soient d’elle. Cependant le libraire Pigoreau, dans sa Petite Bibliographie biographico-romancière, n’hésite pas à les lui attribuer en ajoutant : « Ne serait-ce pas sa propre histoire ? »

N’allons pas plus loin. Ces deux livres ont été détruits en grande partie par les soins mêmes de la famille de Restif. Ils n’avaient d’ailleurs pas été mis dans le commerce. Le gendre de Restif les avait fait relier sous ce titre : Œuvres d’un scélérat. Il a suffisamment rendu à son beau-père affront pour affront en ne craignant pas de l’accuser en justice de faits mensongers, pour se venger de ces attaques en grande partie justes et faites presque à huis clos. Ne remuons donc pas cette vase.

On cite bien encore un autre personnage, mais il nous semble difficile d’admettre cette dernière assertion sans des preuves plus convaincantes que celles apportées par M. Paul Lacroix. Il s’agit de l’abbé Dulaurens. Il serait le type du cordelier du Paysan perverti et le nom Gaudet d’Arras serait une allusion au poëme de l’abbé : la Chandelle d’Arras. Nous doutons. Dans tous les cas, on ne lui attribue qu’une juvénale[1] les Bulles de savon.

S’il est certain que Restif a eu des collaborateurs, cela diminue-t-il sensiblement sa valeur personnelle ? Nous ne le pensons pas. C’est déjà quelque chose, que d’être arrivé presque d’emblée à se faire centre et à attirer vers soi des esprits de la valeur de Linguet, de Ginguené, de Pidansat de Mairobert. Certes si Restif n’avait été que leur prête-nom et leur imprimeur ; s’il n’avait pas fait lui-même ses preuves, il n’y aurait plus qu’à le rayer du dictionnaire des écrivains français ; mais il est justement à remarqur que ce ne sont pas ceux de ses ouvrages où paraît la collaboration qui sont restés. Ce sont ceux seulement auxquels il a mis sa marque individuelle. Et si les Graphes, particulièrement, doivent beaucoup à d’autres, les qualités qu’ils ont gagnées à cet apport étranger ont fait tort aux défauts qu’on aime et qu’on recherche surtout dans Restif.

  1. Restif appelait ainsi des morceaux véhéments et satiriques qu’il mettait souvent à la fin de ses volumes. Il y en a dans les Nuits de Paris, dans la Découverte australe, dans Monsieur Nicolas, etc.