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XXXII
RESTIF ÉCRIVAIN.

hors de leur proportion. Mais nous avons des analogies pour croire que les soleils vivent de la substance de Dieu, ou du centre de leur révolution ; et les cométo-planètes, de la substance de leur soleil, comme nos animalcules parasites vivent de la nôtre. »

Et plus loin :

« Le principe incontestable {tout est image et type) reconnu, je vois la nature visible soit aux yeux, soit par ses effets, naître comme j’ai vu naître mes enfants, croître comme eux, être en vigueur comme ils y sont, dépérir comme je dépéris, pour mourir comme je mourrai bientôt. Je n’excepte rien, ni la planète qui nous porte, ni la comète effrayante qui traîne en queue son atmosphère évaporée ; ni le soleil, source de vie, ni l’Être principe lui-même qui est la vie par essence : Tout commence, croît et finit pour recommencer à vivre. »

Je n’ai malheureusement pas sous la main une collection assez complète des ouvrages de Fourier pour prouver que partant des mêmes principes, en sociologie : l’association ; en physique : l’analogie, Fourier et Restif ont dû se rencontrer maintes fois dans les termes ; je me bornerai donc à citer une seule phrase tirée du Nouveau-Monde industriel, septième section, ch. lvi :

Un des travers de l’esprit civilisé est de ne savoir pas envisager l’unité, l’étudier dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit. Si on leur dit qu’une planète comme Jupiter, Saturne, la terre est une créature ayant une âme et des passions, une carrière à parcourir, des phases de jeunesse et de vieillesse, des époques de naissance et de mort, ils crient au visionnaire : cela est trop vaste pour leurs petits esprits.

Cette citation, à laquelle je ne veux rien demander de plus qu’un rapprochement sans conséquence désagréable à la mémoire de Fourier, qui a de beaucoup dépassé Restif en puissance réelle et en imagination désordonnée, enracine cependant en moi la conviction que le jeune homme a lu les livres du vieux romancier, qu’il y a puisé son indulgence pour les écarts des sens, son utopique désir de rendre les hommes heureux par l’association et l’attraction passionnelle, et que peut-être dans ses séjours à Paris, vers 1790, il s’est rendu, avec autant de plaisir qu’aux galeries du Palais-Royal[1] au café Manouri, pour y entendre les « discours serotinals » que Restif accuse aussi Dupont de

  1. Voir : Vie de Fourier par Ch. Pellarin.