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XXVIII
RESTIF ÉCRIVAIN.

« également sage dans les deux hémisphères et même aux antipodes » ; mais il faut que Buffon soit complété et c’est Restif qui va découvrir pour lui les « vérités de la haute physique et donner un système complet de la nature, avec l’imagination la plus féconde et des lumières qui ne sont pas ordinaires. »

Quoique, dans la table des matières qui ouvre le premier volume de la Philosophie, il n’y ait d’indiqués que 465 chapitres, il y en a en réalité dans l’ouvrage 476. On voit dès l’Introduction dans quelle voie va s’engager Restif. Il ne croit plus ni à Rousseau, ni à Voltaire (on est en 1796), mais à… Cyrano de Bergerac, à la lecture duquel il pleure de joie[1]. Les Epoques de la nature, corrigées par l’Histoire comique des empires du Soleil et de la Lune, complétées par les rêveries de Cazotte et des illuminés, voilà ce que va être le fameux système conçu « par monsieur Nicolas, laissant errer ses pensées, guidé par l’éternelle raison ! »

« Ce système est neuf, dit-il encore ; le grand Buffon ne l’a pas deviné ; l’astronome Lalande et ses pareils ne s’en doutent pas ; mon système est à moi. »

Or, voici ce système :

« L’être principe est le centre général ; le soleil le centre de son système ; la terre un globe, centre de son satellite et de son atmosphère ; l’homme et tout animal un centre individuel qui est nécessairement pour lui-même le centre de l’univers. »

La terre a été formée par cristallisation froide et non par vitrification, comme l’ont prétendu Buffon et ses prédécesseurs Descartes et Leibnitz. Elle s’est cristallisée d’abord au centre ; quand elle était jeune et vigoureuse, elle forma d’autres cristallisations animales qui pouvaient avoir jusqu’à vingt-une lieues de haut et qui, en les supposant conformées comme les hommes, n’auraient eu, dans les plus profondes mers, de l’eau que jusqu’au genou. Mais les planètes sont des femelles qui ne peuvent rien produire sans le secours des êtres plus nobles qui sont comme leurs mâles : sans les soleils.

La nature est éternelle quant à la substance, mais non quant à ses modifications. Les planètes ne sortent pas du soleil à l’état de planètes, mais à l’état de

  1. Parce qu’il y trouve, dit-il, des vérités qu’il avait senties avant d’avoir lu cet auteur.