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DU BOULEVARD.

DU BOULEVARD. 213 ton bonheur qu'ton service. Contente bén Mada- me-. J'm'habilla, et quand j'fus-prête, j'descendis avec la-Moucharde, qui m'enmena cheûs elle, rue Fromenteau, où qu'a'm'm'it dans eune belle-cham- be, où ç'qu'on me deshabilla nue comme la main; on m'fourra dans un lit d'cuive plein d'eau, où qu'non m'coucha; on m'laissa bén-tremper, et quand je l'fus, on m'decrassa; et pis on m'ha- billa tout en-mousseline et en gaze, avec des ru- bans, eune frisure, des p'tits souliers tout d'or, des bouques d'oreiye, des brasselets, des bas-d'soie, et un bonnet-d'fleurs. Quand j'fus bén-belle, on m'mit d'vant un miroir. Regardez-vous, ma Fiye-! (m'dit la-Moucharde). J'me voulus r'gar- der, sans m'voir, quoique la glasse fût grande à t'nir tout l'trumeau : c'est que je n'me r'connais- sais pas, tant j'étais belle et bén-decrassée ! - Où- ça donc que j'suis? - Tenez, vous voila. - Alons donc! ç'te belle Demoiselle-là ! vous-vous fichez- d'moi! Non-pas, voyez-vous, ma chère Zaïre! Haïre! Je n'métonne pas d'quoi je n'me r'con- nais pas! c'est qu'vous m'prenez pour Une-aute! Je suis Javote-Poinot, la Fille à la Mère Marion, la Blanchisseuse ! Je sais-bén qu'vous êtes Ja- vote : mais j'vous donne le beau nom de Zaïre, pace-que vote nom n'irait-pûs à une aussi Jolie- fiye. C'est donc moi Javote, ça? C'est vous- même : Javote-Poinot, et Zaïre; c'est la même chose. Mafi! j'sis jolie! ah ! j'sis jolie! - Vous s'rez tous les jours ainsi. - Et quoi que j'f'rai ? - Rién, que de doux. . C'est vrai; car si j'égayais l'-linge aveu ça, j'm'abîmerais. - Vous êtes D'moi- selle, et vous ne vous occup'rèz-pus qu'en-D'moi- selle. On va vous donner un Maîte-de-danse. Gardez-vous-en-bién (dit tout-bas, un Homme que je ne voyais pas): je suis si-las des Fammes- d'esprit et des Actrices de l'Opera, que je veus une Maîtresse qui ne sache ni lire, ni écrire, ni chanter, ni danser, ni même parler: Elle est comme Conte