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XX
RESTIF ÉCRIVAIN.

secrète et, surtout Mercier, le premier admirateur de Restif et celui qui resta le plus longtemps convaincu de sa valeur.

Le Paysan perverti n’a pas été réimprimé depuis la fin du dernier siècle, et on ne le connaît que par la charmante analyse qu’en a donnée M. Monselet, dans son livre sur Restif, livre auquel nous renvoyons le lecteur, il faisait partie des ouvrages retranchés en 1825 par les inspecteurs de la librairie des catalogues des caoinets de lecture, au même titre que les Lettres persanes de Montesquieu. Le seul roman de Restif qui ait eu un regain de popularité et qui reparut en 1848 est d’un tout autre genre. C’est la Vie de mon père, qu’une imprimerie catholique a placée dans une collection de romans chrétiens.

Restif romancier chrétien ! voilà sans doute de quoi étonner quelque peu et cependant rien n’est mieux mérité que cet éloge, si c’en est un. Malgré tout ce qu’on en a pu dire, nous répétons que le Paysan était aussi pour son auteur une œuvre de propagande chrétienne, en ce sens que le beau rôle et les grands effets y tenaient à cette inspiration : la supériorité des doctrines religieuses conservées dans les campagnes sur celles de la philosophie enseignées dans les villes. Il a maladroitement cru donner plus de valeur à cette note en la faisant apparaître au milieu d’autres trop discordantes. Ceux qu’il prétendait servir ne l’ont pas compris et nous avouons qu’on pouvait s’y tromper. Mais, dans la Vie de mon père, il n’y a pas de ces dissonances. D’un bout à l’autre tout est correct, tout est pur en même temps que tout est vrai. Et chose qu’on ne saurait trop faire remarquer, c’est que tout est écrit d’une façon très-suffisamment soignée et que les « puristes » n’y trouveraient rien à reprendre, pas plus au point de vue du style qu’à celui de la morale. Toutes les fois que Restif parle de sa famille et de son pays, il change complètement de manière. Sa forme devient noblement simple. Les discours qu’il prête à ses paysans se déroulent avec une emphase naturelle, si l’on peut accoupler ces deux mots, qui m’a toujours rappelé ce poème si particulier de Goethe : Hermann et Dorothée.

À l’époque où parut la Vie de mon père, l’Année littéraire elle-même, par l’organe de Fréron fils ou