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RESTIF ÉCRIVAIN.

ils apportaient la formule du nouvel Évangile, les trois mots : Liberté, égalité, fraternité, enfermés d’abord dans une formule plus générale : tolérance.

Les obstacles qu’avait à soulever la philosophie étaient cependant encore assez formidables pour qu’il fût nécessaire de les attaquer par des efforts variés mais convergents. Des leviers, nombreux, pas toujours conscients de leur tâche, s’y appliquèrent. Si Voltaire est le premier et celui dont les secousses furent le plus souvent et le plus longtemps renouvelées ; si l’Encyclopédie fut un des plus puissants ; si Rousseau, malgré ses tergiversations, eut sa grande part d’action, il ne faut pas penser qu’ils auraient suffi sans l’aide de vulgarisateurs, maladroits peut-être, sans talents si l’on veut, mais aptes par cela même à satisfaire des lecteurs moins difficiles et à recruter des adeptes qui font la véritable force d’une doctrine, parce qu’ils sont le nombre. Et qu’on ne reproche à personne de courir cette clientèle. Sans elle que serait une philosophie, que serait même une religion ? Croit-on que les mystères du christianisme soient compris par la millième partie de ceux qui se disent chrétiens et mourraient pour affirmer leur foi !

Parmi ces apôtres de troisième ligne dont avait besoin l’idée nouvelle, nous plaçons Restif. Il s’adresse, comme on l’a dit dédaigneusement, aux femmes de chambre, il fait bien ; il parle aux mercières et aux marchandes de modes, pourquoi non, si ce qu’il leur dit peut détruire en elles certaines fausses appréciations et si personne autre n’ose se charger de ce soin ? Mais pour parler à de telles lectrices, il emploie leur langue ; il détaille leurs mœurs, il s’intéresse à leurs aventures ; quel crime de lèse-littérature !

Oui, Restif vise le public moyen des marchands, des artisans, des petits bourgeois, et pour s’en faire comprendre et les attirera lui, il les met eux-mêmes en scène et les fait agir et parler suivant leurs habitudes. C’est en cela qu’il est peintre et c’est de cela encore qu’on doit lui savoir gré.

L’œuvre dans laquelle il a surtout déployé ces qualités d’imitation avec le plus de variété est celle qui nous a fourni les extraits qui composent ces volumes. Malheureusement, des extraits ne peuvent pas donner le sentiment exact d’un ensemble. Nous ajoutons en note, dans ce volume, la liste de tous les métiers ou