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que tu as fait manger à tes moines, et dont tu as dévoré la matrice vérolée ! » Le moine s’est soulevé, et a lancé à Vitnègre un si terrible coup de poing qu’il l’aurait tué, si la colonne du lit n’avait pas amorti une partie du coup, qui cependant a renversé Vitnègre. On l’a fait sortir. Mais il a appris ce matin, par le chirurgien, que la langue du moine, devenue grosse comme celle d’un bœuf, l’avait étouffé un quart d’heure après… On a brûlé, sans lire, tout ce qu’il avait écrit durant sa maladie.

« Voilà ce que Vitnègre, tranquillisé, vient de me raconter. Il est tard, je ne saurais vous reconduire. Partez, ma belle amie. »

Tel fut le récit de Timori, fait à ma fille, que j’entendis tout entier et qu’elle me répétera. Elle s’en revint, la tête remplie d’idées noires. Je la suivais à vingt pas, la couvant des yeux, pour la préserver de toute mauvaise rencontre. Je bandais comme un carme, en voyant son joli tour de hanches…

Elle rentra. Je la précédai dans mon magasin, et je me cachai. Elle revint avec de la lumière et de l’eau tiède. Elle se lava la motte, et soupira, en se disant à elle-même : « Il n’existe plus, le scélérat !… Je suis encore effrayée !… » Je frappai un petit coup sur une commode. Conquette leva les yeux, et me vit. Je lui contai tout ce qu’elle venait de faire. Je lui causai un effroi salutaire, qui la guérit de l’envie de retourner seule chez Timori, en lui disant que j’avais aperçu Vitnègre sur