Page:Retif de La Bretonne - L’Anti-Justine, 1798.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’éveil. Mais comme j’ai le pied joli, et que M. Dardevit, ainsi que tous les hommes délicats, est infiniment sensible à cet attrait-là, il faisait faire mes chaussures par un habile cordonnier, celui de ma mère et de la marquise de Marigny ; le voluptueux ne me les donnait neuves que lorsque j’allais chez lui ; il me les faisait mettre après un pédiluve, avec des bas de fin coton, me faisait marcher chaussée, mettre à la fenêtre, pour mieux voir ma jambe et mon pied, qu’il baisait ; il me faisait ensuite asseoir, me tirait un soulier, s’en coiffait le vit, me faisait lui patiner les couilles avec mon pied chaussé, poussait de profonds soupirs, cognait au plancher, ce qui faisait monter Mme Mezières, voisine d’au-dessous. Elle lui arrachait mon soulier, ou ma mule ; elle se renversait sur le dos ; il la troussait, et la fourgonnait, en me faisant relever ma jupe, en perspective d’une glace, jusqu’au genou. « Votre père me fait ce qu’il ne peut vous faire, me disait la Mezières, parce que tu es sa fille, mais c’est toi qui le fais bander… Ah ! si tu lui montrais ton joli conin, comme il me rabattellerait et me donnerait des coups de vit en con ! » Touchée de ce langage, souvent je me troussais, et montrais une motte à poil follet et soyeux, que mon père trouvait adorable ! Je m’en apercevais aux vives estocades qu’il donnait à la dame… En la quittant, il venait me rechausser. Mais quelquefois la Mezières l’en empêchait,