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une veuve encore belle, quoique mère de six filles, dont l’aînée qui atteignit vingt ans et se nommait Adélaïde. La seconde, Sophie, n’en comptait pas encore dix-neuf ; la troisième, Julie, en avait près de dix-huit ; Justine dix-sept, Aglaé seize, et enfin Emilie, la cadette, quinze ans. Quant à la maman, mariée à treize, accouchée de son aînée à quatorze, elle avait trente-quatre ans. Mme Linars (c’est son nom), avait en outre deux nièces de quinze et vingt-deux ans, Lucie et Annette Bar, une jolie femme de chambre de dix-huit, outre une cuisinière, grande et belle fille de vingt ans. Le mari avait mal fait ses affaires, avant que de mourir. La veuve ne soutenait sa nombreuse famille qu’avec le revenu de sa dot, qui rapportait cinq à six mille livres. On était gêné, car les nièces n’avaient que quinze cents livres de rentes entre elles deux. C’était onze jeunes personnes à entretenir avec sept mille cinq cents francs.

« Il parut alors à Sens un gros et bel homme, dont la physionomie annonçait trente ans, encore qu’il n’en eût que vingt. Il passait pour très riche. Et en effet, il l’était. Ses bras et sa poitrine étaient couverts de poils. Il avait le regard dur et presque féroce, mais son sourire l’adoucissait, et il souriait toujours, en voyant de jolies femmes. L’aînée des demoiselles Linars était charmante. Fysitère la vit, et en devint éperdument amoureux, quoiqu’il eût alors dans son sérail une femme mariée, enlevée à Paris, de l’aveu du mari même ; la sœur