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1757 — MONSIEUR NICOLAS

la main de Loiseau, et la baisa. Ce bon et honnête ami avait l’âme trop sensible pour résister à ce trait touchant : nous le vîmes fondre en larmes : « Mademoiselle, » dit-il à ma jeûne amie, « songez que vous avez l’homme autrefois destiné à être le plus heureux des hommes ; un infortuné qui a perdu le bonheur par la mort d’une céleste créature ! Songez, belle Zéphire, à respecter à l’avenir par vos mœurs, autant que vous le rendrez heureux par votre tendresse, l’ami de la vertueuse Madame Parangon ! » Je m’écriai… — « Pardon ! » me dit Loiseau ; « mais son nom ne peut jamais être de trop… » Je me jetai dans ses bras… puis dans ceux de Zéphire, en disant : — « Et voici ma seule consolation… O ma fille ! comme tu me consoles… de tous mes malheurs ! » Ma jeune amie me pressait dans ses bras… Manon elle-même était enchantée. Loiseau ne pouvait revenir de son étonnement, que deux filles partageassent nos plaisirs du cœur !

Le souper fini, Zéphire dit à Loiseau : — « J’espère que vous voudrez bien reconduire ma sœur ? car il est tard, et elle serait exposée ; des libertins n’auraient qu’à l’attaquer par malice, la Garde la prendrait. » Ce dernier mot parut mortifier Loiseau, à qui la conduite et les propos honnêtes des deux sœurs avaient fait illusion. Cependant il se remh, en disant : — « Si un mot, que sa naïveté laisse échapper, ne le rappelait pas, on l’oublierait… »