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QUATRIEME ÉPOQUE — 1752

route qui conduisait à Colette elle-même… Je devins concentré, taciturne, sauvage, furieux de luxure ; mais Tunique objet de ma frénésie était Colette, adhuc virgo a nullo tacta viro. Je baisais avec transport, avec rage d’amour, tout ce qui l’avait touchée, et mes désirs n’en flagraient que davantage ; surtout un jour que, me trouvant dans l’endroit où cette femme modeste faisait serrer le linge qu’elle quittait, je saisis avidement ce qui avait touché ses charmes, portant une bouche altérée de volupté sur son tour-de-gorge, sur ce que j’imaginais vela secretiora penetralium, avec un emportement… qu’on ne peut exprimer. Si, dans les accès de cette frénésie, je l’avais trouvée seule, j’aurais employé la violence… Puisse ce que je raconte ici être utile à quelqu’un ! car si j’avais eu lu un livre tel que celui que je publie, vertueux comme je l’étais encore, il m’aurait salutairement effrayé ; j’aurais pu réprimer, par la réflexion, des mouvements impétueux ; j’aurais fui le péril, en évitant les occasions auxquelles mon inexpérience me conduisait, comme le papillon à la lumière qui doit le brûler.

Après cet état violent un peu calmé, je me proposai de découvrir ma passion à Colette, et de la conjurer de la manière la plus touchante, de m’indiquer les moyens d’en triompher, ou de m’accorder de l’indulgence. Mais j’appuyais peu sur cette seconde alternative, parce qu’un seul regard de Colette rappelait dans mon cœur le respect et la