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amis Fayel, Poquet, et très profondément, comme si j’eusse voulu cacher ceci à Dieu même, des jolies secrétaires Mélanie et Rosalie, dont je n’avais pu recevoir les adieux… Ainsi, le traitant intérieurement d’hérétique, je ne m’agenouillai pas, et je fus le seul de toute la nombreuse assemblée. Fléchir le genou devant un homme qui étalait une pompe condamnée par l’Évangile ! qu’on appelait Monseigneur, malgré l’Évangile qui le défend ! « Ah ! » pensai-je, moi seul et mes pareils sommes Chrétiens ; tout le reste est hérétique ! » Au fond de mon excellence et de ma parfaite orthodoxie, je gémissais de l’aveuglement du prélat. J’avais alors cinq pieds de stature ; ainsi, j’étais visible parmi des gens à genoux ; ce qui fit qu’une vieille Parisienne demanda tout haut à sa voisine « si je n’étais pas un petit Juif ? » Je la regardai noir, en disant : — « J’adore Dieu en esprit et en vérité, Parisienne ! — Je le sais bien, que je suis Parisienne : après ? »

De retour chez lui, M. Beaucousin raconta ce qu’il venait de voir à ma sœur sa femme, grande et jolie brune, grave, imposante, et qu’il adorait. Après avoir tout détaillé, il s’écria dans son admiration : « Ah ! ça fait un digne prélat ! — Je dirais comme vous, » répondit ma sœur, « s’il n’avait pas ôté la place à mon frère. » Ce mot fut un coup de foudre pour le bon Picard ! Il n’avait pas songé un instant à cela, pendant toute la cérémonie ; il était dans le ravissement, ébloui, en voyant le prélat dans toute sa gloire ; mais le mot de sa femme le changea tout à