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parce qu’il était le disciple chéri, regarda le maître en souriant et dit : — « Il n’avait pas appris par cœur ce sermon dans son village ?… » M. Maurice, notre sous-maître, sourit aussi de la remarque ; mais l’abbé Thomas regarda son favori avec une sévérité qui fit pâlir l’enfant ; Poquet baissa la vue, et laissa tomber deux larmes. Tous mes camarades m’environnèrent, après qu’on se fut levé ; le flegmatique frère Edme, mon voisin, me dit : — « Je voudrais avoir votre mémoire, et manquer d’un doigt ! » C’est qu’il l’avait très ingrate ; il ne valait que par la main : aussi lui laissait-on deux heures dans la journée, pour dessiner, menuiser, graver et limer des caractères en cuivre, sculpter, etc. Fayel, en nous couchant, me dit tout-bas (car il était défendu de parler, après l’in manus) : — « Mon frère Augustin, je suis charmé de la gloire que tu viens d’acquérir ; mais je crains qu’elle ne te soit préjudiciable ! Je me suis aperçu plus d’une fois que notre maître cherche à te rabaisser ; est-ce que vous n’êtes pas de la même mère ? — Non, mon cher Fayel. — Ah ! je ne dis plus rien. » En effet, il garda le silence, et depuis, il ne m’en a jamais reparlé ; car notre séparation ne tardera pas.

Je crois n’avoir rien oublié d’essentiel, si ce n’est un pèlerinage que nous fîmes à Sainte-Geneviève, pendant l’octave de sa fête. Nous étions parés, c’est-à-dire en soutanes des grandes fêtes, en ceintures, etc. Les sœurs nous virent défiler : nous