Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
1749 — MONSIEUR NICOLAS

vais le saisissement d’un criminel qu’on mène au supplice. Mon père garda le silence d’abord ; ensuite se retournant, parce que je marchais derrière lui : « Approchez, » me dit-il… Sans doute ma pâleur, très visible, excita sa pitié ; il ne fut pas aussi, terrible qu’il avait promis de l’être : mais ses remontrances n’en furent que plus efficaces. Voici comme il s’exprima :

« Je viens d’apprendre et de voir des choses à votre sujet, aussi désolantes, aussi humiliantes pour un père, aussi affligeantes pour votre mère, qu’elles sont honteuses pour vous !… Vous perdez vos mœurs, dans l’asile même des mœurs ! Votre corruption m’étonne d’autant plus que je crois qu’elle vous est naturelle ! Quoi ! à peine né, vous ne respirez qu’après la lubricité la plus raffinée !… Il ne vous suffit pas d’une fille, d’une femme, il vous en faudrait douze ! il vous faudrait un sérail !… Vous ne faites usage de l’esprit que le Seigneur vous a donné que pour l’offenser !… C’est au vice, à la luxure la plus effrontée, que vous donnez les prémices de votre raison, de vos études, de votre progrès dans les Lettres ! Ô ciel ! qui l’aurait pensé, à voir l’hypocrite modestie que vous avez toujours eue sur le visage ? Quel sera l’étonnement et le chagrin de votre mère ? Ils égaleront ma surprise et ma douleur !… Cette pauvre mère, qui comptait vous voir atteindre par vos mérites, encore plus que par la science, les garçons du premier lit, va bien rabattre de